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xxx FILMS | xxx COLLECTIONS

MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique

Parcours thématiques
      • L'Algérie à travers l'oeil des Alsaciens

      • La question du film amateur

      • Par Yves Frey
      • L'Algérie à travers l'oeil des Alsaciens
        • Jean-Yves de Beaufort, fonds de Beaufort © MIRA
      • Souvenirs de famille ? Vestiges du passé ? Les films Super 8 d’amateurs sont recherchés aujourd’hui par des associations[1] pour le témoignage qu’elles portent sur une époque, pour leur valeur patrimoniale. En même temps ces associations restaurent, conservent et numérisent ces films.

        Ces films possèdent avant tout une valeur affective, liée au réseau familial ou/et amical qui présentent des événements  de « faible intensité » (naissances, mariages, premiers pas d’un enfant), mais aussi un décor. Ils créent aussi « nos propres images » des lieux visités afin d’en prouver notre passage. Des années plus tard, tout en conservant leur valeur sentimentale, ils prennent une valeur documentaire (par exemple : la morphologie d’une ville, son évolution) et aussi esthétique (combien c’était beau). Mais ces films peuvent posséder un intérêt historique en fonction des événements fixés sur la pellicule, notamment ceux qui concernent la guerre, et c’est le cas avec les films concernant l’Algérie.

        MIRA possède, en effet, un nombre important de films tournés par des Alsaciens, touristes ou appelés, consacrés à l’Algérie, formant un corpus d’environ 10 heures, qui s’étend sur tout le XXe siècle. 

        L’Algérie comme décor

        * Des paysages : comment ne pas être ébloui par l’arrivée en bateau dans la baie d’Alger surplombée par le massif de la Bouzareah, comment ne pas être étonné par Constantine, le ville des ponts, ou encore par Biskra et El Oued, la ville aux mille coupoles dans le désert.

        * Des personnages : Européens en costume de ville et Algériens souvent loqueteux, voire en haillons, mal chaussés ; visages burinés ; hommes ramassés sur eux-mêmes, marqués par la misère, accroupis sur un coin de trottoir ; rares Algériennes dans l’espace public, portant le haïk blanc (le noir provient de l’Arabie et des émirats).

         

        Robert Jenny, fonds Steegmann (1936) © MIRA


         

        Serge Nauny, fonds Nauny (1955 env) © MIRA

         

        * Des fermes (et non pas les grands domaines) qui ressemblent aux fermes de métropole.

        * Des survivances d’un temps plus glorieux : caravanes de chameaux dans le désert, quasi absentes, et au contraire quelques dromadaires efflanqués guidés par des chameliers qui n’ont plus que le nom.

        * Les débuts de l’exploitation pétrolière d’Hassi Messaoud, et gazière d’Hassi-R’Mel.     

         

        Gérard Guth, fonds Guth (1960-61) © MIRA

                                                                                    

        La guerre d’indépendance

        Mais ces films montrent aussi de nombreuses vues mettant en scène des militaires, des camps ainsi que le le général de Gaulle. Cette présence importante de l’armée signifie la présence de la guerre qui n’est pas montrée. Là se trouvent les trois principales difficultés.

        La première est celle du hors-champ. Le cameraman ne peut filmer – et c’est normal - les opérations militaires.

        La deuxième réside dans le fait que ces films amateurs ne fournissent pas d’explications ; d’ailleurs, les appelés en Algérie les connaissaient-elles vraiment ?

        La troisième consiste dans l’absence de récit historique qui est, comme l’écrit Paul Veyne, un « récit vrai », construit, argumenté et vérifié.

         

        Le général de Gaulle de passage à Télergma - Jean Albert, fonds Albert (1958) © MIRA

         

        Pour le dire autrement et plus simplement, la difficulté réside dans la construction de sens que doit faire le spectateur, partagé entre les images filmées de valeur testimoniale, et un récit historique – qu’il maîtrise ou pas, ou de manière parcellaire – seul capable de donner une signification aux faits.

        Sur la période de la « guerre d’indépendance algérienne»[2], expression retenue par les historiens français ou « guerre de libération, voire révolution » retenue par les nationalistes algériens, la collection MIRA propose de nombreuses séquences qu’il faut éclairer.

        De nombreuses scènes se passent à Telergma (qui devient Teleghma à l’indépendance), indication que l’on voit sur un panneau indicateur. Il s’agit d’une base aérienne (base 211) proche de Constantine, construite en 1943 par les Américains et léguée à la France. On y voit de nombreux avions (des Mistral) et donc des aviateurs, mais aussi des chasseurs parachutistes (nombreuses scènes filmées comme un spectacle) ainsi que des tirailleurs algériens (l’armée française comptait dans ses rangs des soldats algériens)[3], sans compter des harkis et moghaznis, mais dont il est nécessaire de préciser la fonction, leur enrôlement (ils sont de statut civil).

                 * A quoi servent ces avions, modernes (à réaction) : mitraillage des maquis de l’ALN (on est proches des Aurès et des Nemenchas), largage de napalm (les « bidons spéciaux » suivant le langage de l’armée), et pourquoi l’emploi de napalm ?

                 * A quoi servent les avions gros porteurs (Noratlas, appelés aussi double queue) qui larguent de grosses quantités de matériel et de ravitaillement ?

        Parmi toutes ces images apparaissent celles du général de Gaulle – images qu’il faut dater car le général a fait plusieurs voyages en Algérie (ici, le 5 juin 1958 à Constantine, car les banderoles de la foule mentionnent plusieurs quartiers de la ville ainsi que « Comité de salut public ») et même furtivement celle du général Salan identifiable à ses épaulettes marquées de cinq étoiles. Et que penser de cette foule dense réunie place de la Brèche à Constantine ?

         

        La foule présente au discours officiel du général de Gaulle à Constantine le 5 juin 1958 - Jean Albert, fonds Albert © MIRA

         

        Les films montrent aussi des centres de regroupement, des villages placés sous la responsabilité des SAS (sections administratives spéciales) au sujet desquelles les films n’apportent guère d’informations. On y voit des salles de classe, des enfants dansant, un méchoui avec distribution de viande, ce qui ressemble davantage à de la propagande qu’à la réalité. Cependant, on y voit aussi une distribution de farine, signe que la population ne peut plus assurer elle-même sa subsistance. Pour connaître la réalité de ces centres, il faut se reporter au rapport de Michel Rocard – destiné à demeurer confidentiel – que le ministre de la Justice, Edmond Michelet, fait « fuiter » dans la presse en 1959.

         

        Distribution de farine à la SAS d'Aïn-el-Turk - Jean-Yves de Beaufort, fonds de Beaufort (1959-60) © MIRA

         

        Ces films posent de très nombreuses et difficiles questions sur cette guerre qui est filmée seulement à son terme lors de la proclamation de l’indépendance le 5 juillet 1962[4], lorsque les les foules défilent dans les rues (le film montre les rues d’Alger, vers la Casbah), avec les drapeaux algériens. On y voit de nombreuses femmes habillées du haïk blanc, femmes qui avaient été très nombreuses à aller voter.

        Après l’indépendance, les films se font rares, quelques vues de la baie d’Alger depuis El Biar, un couple « mixte » (mais l’est-il vraiment ? Comment en juger ?) qui jouit des plaisirs de la plage à Mostaganem.

         

        Miloud Bélatrèche, fonds Miloud-Bélatrèche (1980) © MIRA

         

        Ces films posent énormément de questions qui demandent des réponses documentées et nuancées. On ne peut pas en faire le reproche aux auteurs dont l’intention n’était pas celle-ci. En outre, ceux-ci ne forment pas un groupe homogène. Ils ont cependant un point commun, celui de projeter un regard d’Européen sur l’Algérie et de partager la population entre eux (dont on montre le pittoresque) et nous, ou pour le dire comme Albert Memmi[5], entre les colonisés et les colonisateurs.

        Cette présentation binaire risque d’abuser le spectateur en masquant la complexité.

        Il n’en reste pas moins que ces films amateurs offrent l’occasion de se (re)plonger dans ce passé de l’Algérie, de le comprendre et d’éviter ainsi les jugements à l’emporte-pièces et les positions idéologiques figées.

        Yves Frey est historien de l'immigration et auteur de l'ouvrage La guerre d'Algérie en Alsace. Enquête sur les combattants de l'ombre 1945-1965 publié aux éditions La Nuée bleue en 2013. MIRA l'a invité à commenter ses films amateurs tournés en Algérie à l'occasion de son cycle d'événements Alsace-Algérie : histoires et images de l'intime (avril-mai 2025). 

         

        [1] Les associations de ce type sont nombreuses en France. Citons entre autres Archipop en Picardie, Cineam en banlieue parisienne, Artisans filmeurs à Vannes ou La suite numérique à Lyon.

        [2] C’est le titre du livre de l’historienne Sylvie Thénault, spécialiste de la question, paru en 2005 aux éditions Flammarion. L’expression « guerre » a remplacé  l’expression « événements », employée par les différents gouvernements français,  en 1999 après un vote par le Parlement.  Mais les Français utilisaient déjà, le terme « guerre d’Algérie ».  

        [3] Il y a même eu une cellule du FLN à l’intérieur de la base.

        [4] Le referendum sur l’autodétermination de l’Algérie du 8 janvier 1961 a été largement approuvé (75 % de oui) par les électeurs. Le referendum sur l’indépendance de l’Algérie se déroule le 8 avril 1962 en métropole. Les Accords d’Evian qui reconnaissent la souveraineté algérienne après une période transitoire, sont approuvés à plus de 90 %. En Algérie, le scrutin a lieu le 1er juillet 1962 et voit le OUI l’emporter avec plus de 90 % des voix.

        [5] MEMMI Albert, Portrait du colonisé précédé du portrait du colonisateur, Paris, Buchet-Chastel, 1957 (rééd. 2002).

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