Une sélection de Marion Brun, documentaliste audiovisuelle

Dès l'apparition du cinéma amateur, les Alsaciens ont filmé l'Algérie, avec laquelle ils ont un lien certain. Depuis la colonisation du pays en 1830 jusqu'à la Première Guerre mondiale, ils furent nombreux à y immigrer, phénomène accentué lors de l'annexion de la région en 1870 par l'Allemagne. Après la Seconde Guerre mondiale, ce sont les Algériens qui sont arrivés en Alsace. Au-delà de ces flux migratoires, des liens se sont tissés autour d'évènements tragiques : les tirailleurs algériens ont défendu l'Alsace pendant les deux guerres mondiales, tandis que de nombreux Alsaciens furent appelés durant la guerre d'Algérie.  
Bien présents dans nos collections, les films amateurs sur l'Algérie offrent une multitude de regards sur ce pays, et toujours des images incroyables.

D'abord, MIRA recèle de nombreux films tournés par des touristes aisés dans une Algérie colonisée, comme celui de Robert Jenny (voir En voyage à Alger). EN 1936, rendant visite à son fils qui a ouvert à Alger une brasserie Walsheim, il filme la traversée depuis Marseille, de très belles scènes de rue et les paysans algériens dans la campagne environnante. Alger est évidemment un décor important des films amateurs, de même que Biskra qui est une destination touristique privilégiée. Ancienne place militaire, elle fut transformée en lieu de villégiature destiné aux "hiverneurs", ces Européens très aisés souhaitant passer l'hiver en Algérie, à la fin du XIXe siècle. Biskra accueille à partir des années 1950 un tourisme moins bourgeois (voir Voyage à Biskra).
Au premier regard, ces images sont classiques mais elles contiennent les marques d'une colonisation ancienne de plus d'un siècle. Les Français, souvent aisés, se mêlent à la population algérienne. Les noms de villes francisés et les enseignes françaises fleurissent : brasseries, casinos, théâtres municipaux dans lesquels les classiques européens sont joués. Les monuments à la gloire de la France coloniale sont filmés, comme la statue équestre du Duc d'Orléans qui participa à la conquête de l'Algérie. 

Alger, 1936. Robert Jenny © MIRA

Outre ce tourisme du début du XXe siècle, des évènements tragiques ont donné lieu à des films uniques, puisque parmi les appelés alsaciens envoyés en Algérie pendant la guerre, certains ont emmené leur caméra. Ce fut le cas déjà peu de temps avant la guerre, en 1953, quand Paul Schwebel, lieutenant-colonel réserviste dans l'aviation filme de magnifiques images de Biskra et de Constantine où les troupes françaises se montrent déjà à grand renfort de défilés (voir Biskra - Constantine). La vie quotidienne de ces jeunes hommes dans leur caserne est aussi documentée (voir Algérie et Vie quotidienne au camp).
Il faut évidemment citer Jean Albert, qui, appelé, rejoint la base de Telergma. Il filme le général de Gaulle, reçu par les hourras de la foule et les banderoles tricolores à Constantine (voir De Gaulle à Constantine) lors de sa tournée en Algérie de 1958, de laquelle on retient encore aujourd'hui son fameux discours "Je vous ai compris". Ce sont aussi les paysages et le quotidien des Algériens que Jean Albert capte sur pellicule (voir Défilé de légionnaires et scènes de marché). Amoureux de ce pays, il choisir d'y retourner après son mariage, en 1959 jusqu'à l'indépendance : l'un de ses fils nait à Bab el Oued.

Appelés photographiant la vallée du M'zab, 1960 env. Fonds Roppé © MIRA

Bien loin des terribles évènements qui se déroulent alors, la magnifique vallée du M'zab et ses villages fortifiés sont largement filmés à cette période (voir Dans la vallée du M'zab). Parfois les images poétiques peuvent être trompeuses, comme ici. Pourtant, le pays est bien en guerre. C'est un film remarquable tourné par Jean-Daniel Jung, appelé lui-aussi, qui clôt cette période. Témoin de la manifestation de bonheur des Algérois après l'annonce des accords d'Evian, et donc de l'indépendance, en 1962, il s'est emparé de sa caméra. On imagine sans peine les bruits des klaxons, les chants et les cris de joie que laissent presque entendre ces images muettes (voir Jean-Daniel en Algérie). 

Après l'indépendance, les images de l'Algérie continuent à être tournées par les amateurs, comme ces images touristiques de la vallée du M'zab et de la ville de Tlemcen où l'on sent déjà poindre le tourisme de masse (voir Voyage en Algérie). Ou comme celles de la famille Bélatrèche qui filme sa vie franco-algérienne entre l'Alsace et l'Algérie, conjuguant en beauté ces deux cultures (voir Mariage algérien et le portrait de Marianne Bélatrèche).  Parce qu'au fil des décennies, les liens entre les deux territoires se poursuivent.