• Contactez-nous
  • Déposer un film
  • Espace presse
  • Rhinédits
  • En vous identifiant à l'aide d'une adresse e-mail et d'un mot de passe, vous pourrez découvrir gratuitement l'intégralité des collections de MIRA, conserver un historique de vos recherches et de vos séquences favorites !

    MIRA s'engage à ne pas transmettre vos données personnelles à des tiers. Les informations recueillies font l’objet d’un traitement informatique destiné à l'inventaire du patrimoine cinématographique alsacien. Les destinataires des données sont l'association MIRA. Conformément à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée en 2004, vous bénéficiez d’un droit d’accès et de rectification aux informations qui vous concernent, que vous pouvez exercer en vous adressant à : Association MIRA - 7 rue des Alisiers 67100 Strasbourg. Vous pouvez également, pour des motifs légitimes, vous opposer au traitement des données vous concernant. Déclaration CNIL n°1767467v0

    Votre courriel
    Votre mot de passe

xxx FILMS | xxx COLLECTIONS

MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique

Écrits sur images
      • Le film amateur, document historique ?

      • Par Odile Gozillon-Fronsacq
      • Le film amateur, document historique ?
        • Strasbourg sous l’Occupation, 1941 environ, Georges Lortz, fonds Lortz © MIRA
      • Le film de famille, document historique ?

        Le film de famille est de plus en plus utilisé par les cinéastes, qu’il s’agisse de fictions ou de documentaires, pour « faire vrai » et apporter une sorte de caution de réalité, et une apparence de témoignage historique. Mais est-il un document pour l’historien ? Des précautions s’imposent. On prendra l’exemple des films de famille tournés pendant la Deuxième Guerre mondiale.

        On sait tout l’apport des films de famille sur la sociologie des familles. Mais qu’enseignent-ils à l’historien sur la façon dont les Alsaciens ont vécu la guerre ?

        Le film de famille n’est pas fait pour l’historien

        Il est fait pour la mémoire de la famille : sa visée, fondamentalement mémorielle est d’enregistrer l’éphémère, le fugitif, garder trace de ce qui fut. Conserver, ou plus précisément raviver le souvenir de moments vécus ensemble, c’est la fonction propre du film de famille. Il n’a pas un but documentaire, ni esthétique, ni historique. Il ne s’adresse pas à la collectivité, ni au public.

        De ce fait, le film de famille est incomplet, difficile à comprendre
        Il est réalisé pour que les membres de la famille puissent le voir ensemble, et ce faisant reconstruire ensemble une histoire familiale qu’ils connaissent déjà, qu’ils ont vécue ensemble. L’enjeu est le renforcement du groupe familial, fonction qu’il partage avec la photo de famille, comme le soulignait déjà Pierre Bourdieu. « La photographie n’existe et ne perdure que par la force de sa fonction familiale, qui est de solenniser et d’éterniser les grands moments de la vie familiale, bref, de renforcer l’intégration du groupe familial en réaffirmant le sentiment qu’il a de lui-même »[i].

        De plus, le film de famille est un document touchant à la vie privée
        Il touche à la vie intime des personnes, au droit à la vie privée (légalement ou moralement). Notre intrusion par effraction dans ce type de document nécessite discrétion et respect, d’autant plus qu’il a parfois été confié avec réticence, et sous condition tacite ou non d’une utilisation respectueuse.

        La tâche de l’historien

        L’historien doit décrypter les représentations du film de famille
        C’est un spectateur critique par rapport aux représentations familiales. Il doit donc d’abord rendre compte des présupposés familiaux et, pour ce faire, analyser les images en elles-mêmes :

        • qui sont les personnages à l’écran : qui est filmé, dans quelles circonstances, quels rapports entre caméra et acteurs ; expression des visages…
        • comment est-ce filmé ? les scénarios, les scènes filmées : que font les gens, où, avec qui, etc.
        • quels sont les décors : décor familial, décor public, ville, campagne, loisir, travail…

        Il doit aussi contextualiser les films, les mettre en perspective, et interroger ces images à la lumière d’autres sources :
        Il doit enquêter auprès de la famille. Il faut interroger les personnes qui détiennent le film afin de savoir :

        • qui a filmé, quand, avec quel matériel, pourquoi,
        • qui sont les personnages et les événements filmés, essayer d’avoir leurs coordonnées pour les interroger à leur tour,
        • quelle est l’histoire de ces films depuis qu’ils ont été tournés : quand et dans quelles circonstances ils ont été visionnés.

        Il va aussi enquêter sur la famille

        • aller voir aux Archives (et ailleurs : presse, etc.) ce qui peut exister sur la famille,
        • interroger des personnes qui ont vécu au même moment ; elles sauront s’interroger sur des images qui nous semblaient à nous banales.
        • Et bien sûr enquêter sur l’histoire locale, régionale, nationale et internationale à l’époque où les films ont été tournés.

        Les particularités du film de famille

        Il montre un focus particulier :

        • un cadrage rétréci au cercle familial ; peu d’événements publics, collectifs. Souvent il témoigne d’un oubli ou même d’une négation de l’histoire. Dans les périodes troublées en particulier, il illustre un refuge dans la vie privée.
        • une mise en scène constante : la mélodie du bonheur ; ainsi cette obligation implicite de sourire quand on est filmé ou photographié.

        C’est la loi du genre. Un film de famille ne montre que les moments heureux, de préférence les moments exceptionnellement heureux de la vie de famille. Regardons les nôtres (ou nos photos de famille). On a pléthore d’images d’anniversaires, de mariages, de fêtes diverses, très peu du quotidien (qui a filmé le réveil de la famille, un jour ordinaire de la vie ?), pas de moments tragiques (on a perdu cette habitude de photographier les morts).

        La richesse d’images non-officielles
        On a beaucoup d’images officielles sur l’Alsace pendant la Deuxième Guerre mondiale ; ce sont surtout des images de propagande éditées par les nazis. On en garde une vision d’une Alsace parfaitement nazifiée. D’autres documents viennent battre en brèche cette représentation. Mais ce sont surtout des documents écrits. Ils permettent une histoire de l’Alsace qui est le contre-pied de la version nazie, dénonçant le joug et le martyre de l’Alsace occupée.
        Le film de famille arrive comme un regard tiers, qui pourrait être considéré comme naïf, hors propagande.
        L’opérateur nous donne des images involontaires de la période nazie de l’histoire d’Alsace : omniprésence des soldats nazis, mais aussi grande animation des rues, vues paisibles de la campagne, vie quotidienne entre travail, vie familiale et loisirs : une vie « normale ». Ce sont des images rares et très précieuses.
        Il faut aussi s’interroger sur les conditions de tournage :

        • on n’avait pas le droit de filmer dans les rues
        • les films coûtaient très cher

        et sur les conditions de vie à cette époque, à partir d’autres sources.

        Il n’y a pas d’images objectives ; elles sont subjectives et signifiantes

        Le film de famille est un regard particulier
        Ces films nous apportent une vision nouvelle de l’Alsace pendant la guerre. Nous en avons principalement des images officielles, celles de la propagande nazie, ou celles des armées de Libération, toutes à vocation politique affichée. Ici, nous avons des films réalisés pour une mémoire familiale, en dehors de toute volonté propagandiste. Le film de famille a une tendance essentielle à la mièvrerie, même en temps de guerre.

        Hors du cercle de famille : un document historique irremplaçable
        Ces films montrent ce qui fut… aussi. Les années de guerre n’ont pas été que des années de combat ; elles ont été aussi des années de vie quotidienne. Pendant la guerre, oui, les Alsaciens vivaient. Ils avaient besoin de se rencontrer, de se promener, de rire. Des témoins, jeunes pendant la guerre, ont rapporté qu’au cœur des combats à la fin de la guerre, les parents et amis se retrouvaient pour chanter et danser même sous la menace des bombes. Une sorte d’urgence de bonheur au cœur de la catastrophe.

        Le film de famille est dérangeant et même scandaleux
        Ainsi le film de famille impose une vision plus nuancée de la réalité, et en cela il dérange profondément.  L’image du bonheur dans un contexte douloureux a quelque chose de révoltant. On se rappelle que Henryk Ross, emprisonné au ghetto de Lodz et utilisé comme photographe par les nazis, a toujours refusé de son vivant que soient exposées ses images souriantes du ghetto : jeux d’enfants, fêtes de famille etc., car elles montraient que partout l’inégalité existe et que même dans le désastre certains parviennent à jouer de leur influence pour vivre sinon bien, du moins mieux que la majorité. Elles brisent l’image d’un groupe homogène devant l’oppression nazie. De façon comparable, on aimerait voir les populations soumises à l’annexion (ou à l’occupation) nazie, uniformément victimes et malheureuses. Les aspects anodins, bonhommes, mièvres, de la vie quotidienne choquent notre représentation dramatique de cette période de l’histoire.

        Il doit être documenté, et confronté à d’autres sources
        Le film de famille est donc un document historique sans équivalent. Il doit être traité avec respect… et méfiance. Respect, car il nous révèle la vie intime de groupes humains, vie que le plus souvent les protagonistes n’auraient pas voulu voir révélée à des regards étrangers. Il doit bien sûr être contextualisé et, comme tout document historique, confronté à d’autres sources. On ne saurait oublier le hors-champ de ces images amateur, mais elles nous font découvrir une réalité troublante sur la vie quotidienne d’humains qui se replient sur l’intime pour fuir ou oublier l’Histoire.
        Le film de famille a du moins le mérite de nous faire prendre conscience des refoulements de notre Histoire ou de nos propres tabous : en Allemagne[ii], ces films de famille sont courants et connus…
        Peut-être n’avons-nous pas fait le même travail sur la mémoire et l’oubli[iii] ?

        Pour aller plus loin, retrouvez le film et le parcours thématique L'Alsace nazie dans les collections de MIRA ainsi que le film Catastrophes de Georges Lortz sur notre catalogue en ligne.

         

        [i] Cf. Pierre Bourdieu. Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie. Ed.de Minuit, Paris, 1965.

        [ii] Cf. Nein, Onkel – Snapshots from another front 1938 –1945, édité par Ed Jones et Timothy Prus, Archive of Modern Conflict, Londres, 2007. Nein, Onkel est une collection de photos amateurs montrant le quotidien de soldats de la Wehrmacht. Elles ont été exposées au Musée Niepce à Chalons sur Saône en 2008-2009. Le titre « Nein, Onkel » évoque la réponse donnée par de nombreux jeunes Allemands des années 60 à leurs oncles, anciens combattants, désirant montrer leurs albums souvenirs

        [iii] V. Les Amnésiques de Pauline Schwarz, Flammarion 2017. https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=les+amn%C3%A9siques#sv=CAUSGQoIMjYxYzZmMzESC0xqQjNNX0RDRDlBGAAg5teT3gIwAQ

        Quelques éléments bibliographiques:

        • Odin, Roger. Le film de famille, Usage privé, usage public. Méridiens Klincksieck, 1999
        • Tousignant, Nathalie (sous la direction de). Actes de la rencontre des Inédits à Bruxelles en 2000 autour du film de famille : Le film de famille. Presses universitaires Saint-Louis Bruxelles, 2004, https://books.openedition.org/pusl/10904  et en particulier : Nathalie Tousignant : Le film de famille, cadre structurant et lieu de mémoire :  https://books.openedition.org/pusl/10964?lang=fr , et Puissant, Jean : Le film de famille, composante nécessaire de la mémoire collective ? https://books.openedition.org/pusl/10934?lang=fr
        • Vignaux, Nathalie et Turquety, Benoît, L’Amateur en cinéma. Un autre paradigme. AFRHC, 2017.

        Plus récemment :

        •  Heyle, Laurent. Film de famille. De l'archive privée aux souvenirs partagés, Flammarion 2021 (sociologie)
        • Collinet, Philippe. Films de famille. Complexes familiaux. L’Harmattan, 2023.

        Un film :

      • Publié le 16/04/2025

31, rue Kageneck 67000 Strasbourg | Tél. 03 88 22 03 32 | www.miralsace.eu | contact@miralsace.eu
powered by diasite | designed by yurga.fr

Recevez la newsletter | Se désinscrire | Mentions légales