Par Thomas Bernolin

Yvon Herbage filme ses voyages et ses excursions temporaires à partir des années 1970. Rapidement, il porte un grand intérêt à la fonction narrative du dispositif cinématographique et à la possibilité de transposer une histoire en images. D’une qualité visuelle et esthétique indéniables, la trentaine de films Super-8, tournée en partie dans le cadre du “Club Partir”, un collectif strasbourgeois proposant des projections de diapositives et films autour du voyage, témoignent d’un sens aigu de la mise en scène et du montage.

Animations et habillages sonores

Inventif, drôle et parfois critique, le fonds Herbage est une mise en récit récréative des aventures épisodiques du cinéaste. Mêlant documentaire et fiction cartoonesque, Yvon Herbage explore la dimension ludique du cinéma des premiers temps en ponctuant ses enregistrements d'intertitres, de maquettes et de croquis vivants, teintés d'humour créatif.

 

Fonds Herbage © MIRA

Fonds Herbage © MIRA

 

Mettant en scène les randonnées et explorations auxquelles il participe aux côtés des membres du club strasbourgeois "Club Partir", il habille volontiers ses films de musiques populaires et de compositions originales. L'amusante bande-son, passant de Georges Brassens au son thématique du film d'horreur L'Exorciste, contextualise d'autant les émotions et les situations vécues par le réalisateur. Au gré de ses animations fantaisistes, Yvon Herbage s'empare des stéréotypes visuels dominants, hérités du cinéma et de la bande dessinée, pour étoffer sa narration principale. De mini-récits tantôt comiques, tantôt absurdes, viennent développer le ton frivole des séquences. L'une d'elles met ainsi en scène une femme couchée sur la route, menacée par une voiture roulant droit sur elle. Ce à quoi succède un carton "Tching !", qui remémore sans peine le fracas grotesque de la collision suggérée par les vignettes des cartoons surréalistes, et répond alors aux attentes d'un spectateur qui imagine évidemment le pire. Doté d'un réel talent pour le montage et la scénarisation, Yvon Herbage surprend par son habileté esthétique et ses expérimentations plastiques, toutes porteuses de sens.

Les voyages

Aucun détail n'échappe à l'attention du cinéaste. Amoureux de la nature et des voyages, Yvon Herbage ne perd pas une miette de ses excursions : le ski et les marches pédestres dans les Vosges, les fouilles archéologiques qu'il réalise avec les membres de son club près de Dachstein, les expéditions qu'il mène en Indonésie, en Islande ou au Groenland... Il prend soin de valoriser chaque patrimoine qu'il est amené à découvrir. Le réalisateur filme ses proches dans un cadre intimiste et convivial, que la composition gag de ses films rend manifeste.

 

Fonds Herbage © MIRA

 

Un sarcasme critique

Yvon Herbage tourne sans cesse en dérision le monde qui l'entoure, non sans dévoiler son attirance pour le sarcasme. Strasbourg, sa ville d'accueil dès 1971, n'est pas en reste : il y consacre notamment un de ses premiers films, soulignant les transformations de la capitale alsacienne. Témoin critique de la fondation des Halles, il met en lumière le parasitage industriel que subit la ville au cours des années 1970. Soucieux de traduire ses sentiments à travers ses prises, il cloisonne, grâce à des différences d'échelle et de profondeur, la cathédrale entre plusieurs grues de chantier.

 

Fonds Herbage © MIRA