Réalisés à partir du milieu des années 1960 jusqu’au milieu des années 1970, les films de la collection Hollecker présentent la particularité d’être l’œuvre unique d’une femme, Yvette Hollecker. Tendres et bucoliques, ils témoignent d’une attention toute particulière d’une mère pour sa fille.

L'amour maternel dans le regard

Amatrice de cinéma et de photographie, Yvette Hollecker débute sa pratique avec une caméra 8mm puis avant de passer au format Super 8 et de s’initier seule au montage. Son intérêt pour l’image et la préservation des souvenirs familiaux lui vient de sa mère et c’est avec sa belle-sœur qu’elle poursuit cette mission en filmant et archivant avec soin ses nombreuses bobines, dont cinq d’entre elles ont intégré les collections de MIRA.

Plutôt que d'évoquer un regard féminin, c'est l'oeil maternel qui transparaît dans les images de la cinéaste. Celles-ci traduisent un besoin évident de conserver une image de sa fille à cet âge si particulier où chaque excursion familiale est l’occasion d’une nouvelle découverte et où, un Noël après l’autre, chaque arrivée du Christelkind dans le foyer est un émerveillement renouvelé. Plus tard, elle filme aussi l’arrivée au monde de son fils et ses premiers mois au sein de la famille.

La fillette aux bouclettes blondes est le sujet le plus récurrent, et l'on finit par connaître par cœur son visage tant la proximité entre elle et sa mère est grande. Elle est souvent entourée de sa famille, en particulier de femmes : ses tantes, grand-tantes, de sa marraine ou encore de sa grand-mère avec laquelle elle passe des moments privilégiés, comme lorsqu’elles cueillent ensemble les cerises du jardin. Débordante d’énergie, elle évolue au milieu des adultes qui la regardent apprivoiser ce qui l’entoure.

Les femmes prennent en charge la mémoire, fonds Hollecker © MIRA		Cueillette des cerises dans le jardin, fonds Hollecker © MIRA

Le monde à hauteur d'enfant

La focalisation sur la petite fille donne presque la sensation de suivre le personnage principal d’une saga enfantine, au fur et à mesure de ses aventures en Alsace et au-delà. Attirée par les bêtes, on la voit souvent approcher les animaux de la ferme avec aisance. Le film Voyages d’une enfant compte par exemple une magnifique séquence dans laquelle elle se met courir vaillamment après un immense troupeau de moutons sur une plaine de la vallée de Masevaux (Sewen), pendant que sa grand-mère discute avec le berger un peu plus loin.

Plusieurs voyages ponctuent également le film. Yvette Hollecker prend sa voiture et emmène sa fille dans un road-trip vers la Yougoslavie. Sur la route, elles s’amusent dans des cratères alpins enneigés malgré la saison puis découvrent Venise et ses marchés, ses pirogues, ses places… Toutes les deux, elles font aussi un voyage en voiture vers Saint-Jean-de-Monts où la fillette profite des joies de la plage.

La fillette apprivoise un troupeau de moutons, fonds Hollecker © MIRA		Traversée du Grand Canal de Venise, fonds Hollecker ©MIRA

Si elle est habituée à voyager – parfois seule, ce qui est relativement rare pour l’époque – la cinéaste est avant tout très attachée à ses racines et à la langue alsacienne. Elle est originaire de Mulhouse et plus précisément du quartier résidentiel de Dornach. Lorsqu’elle ne passe pas ses après-midis à se prélasser dans la torpeur estivale du jardin, la famille Hollecker traverse souvent la frontière pour la Forêt-Noire. En plus des balades dans la nature et des fêtes communales, elle s’y rend aussi pour se recueillir sur la tombe d’un aïeul dans le cimetière aux belles couleurs automnales surplombant la ville de Thübingen.

Visite du cimetière de Thübingen, fonds Hollecker © MIRA

Au fil des saisons, ces images d’instants suspendus regorgent de détails qui contribuent à les rendre attendrissantes. Elles le sont d’autant plus quand on sait que dans l’écrasante majorité des cas, les films privés sont réalisés par les pères de famille. Malgré l’accessibilité grandissante de la pratique du cinéma au cours du 20^ème siècle, rares sont les images qui, comme celles de cette collection, nous viennent des femmes et des mères.