MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique
Composé de six bobines 16 mm, le fonds Paul est tout à fait remarquable pour la qualité technique de son réalisateur René Arnold. En noir et blanc ou en couleur ses images d’une grande beauté cinématographique nous racontent la vie d’une famille et leur époque, les années 1960, à travers une esthétique singulière qui sublime l'ordinaire et laisse place à l’imaginaire.
Né en 1934, René Arnold reçoit sa première caméra d’un ami de son père. De là naît son plaisir de filmer ses proches lors de vacances ou de célébrations. Commerçant à Benfeld, René Arnold tient une pâtisserie-glacier face à l’ancien cinéma. Preuve de son attachement au 7e art, il n’hésitait pas à y donner parfois un coup de main ainsi qu’au REX de Benfeld.
Et c’est sans aucun doute en connaisseur du langage cinématographique qu’il manie sa caméra. Tout en maîtrise, ses films transposent à merveille le monde sensible du réalisateur. Attentif aux détails, celui-ci s’attache à capter les gestes de la vie quotidienne. S'attardant particulièrement sur les mains, il s'applique à rendre compte des mouvements les plus simples, d'une certaine manière de faire : celle de mains qui jardinent (Au fil du temps, 1963-1964), qui tiennent la barre d’un voilier (Fête de communion, patinage artistique et vacances en Provence, 1960 env.) ou préparent un repas. De cette manière, il redonne leur poésie aux gestes ordinaires.
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René Arnold, fonds Paul © MIRA |
Passant des mains aux visages et des visages aux mains, le cinéaste réalise dans le même mouvement le portrait de ces protagonistes. Face caméra ou dans des instants de concentration, il saisit leur regard : pénétrant, rêveur, contemplatif, comme plongé dans leur vie intérieure.
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René Arnold, fonds Paul © MIRA |
Les lieux et les décors ont eux aussi toute l’attention du cinéaste. Les immortalisant avec autant de soin et de délicatesse, il leurs confère une même importance. Au plus près des objets, il transforme aussi bien, par la magie de la prise de vue, les petites figurines d’une chambre d’enfant en gigantesques sculptures (Au fil du temps, 1963-1964) que les plantes d'une serre en forêt luxuriante (Au fil du temps, 1963-1964).
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René Arnold, fonds Paul © MIRA |
À travers cette manière si singulière de filmer le monde qui l’entoure, le cinéaste produit en nous une sensation de rêve et d’onirisme. Chaque plan est comme un arrêt dans le temps, la suspension d’un instant furtif, le souvenir d'un lieu, l'impression d’une atmosphère. La vision d'une vie profondément incarnée en même temps que l'empreinte nostalgique d'un temps qui n'est plus.
Car les images de René Arnold sont aussi l’écho d’une époque. Comme souvent dans les films de famille, c'est au détour d’une sortie, d’une célébration ou de vacances à la mer que se donnent à voir (dans les détails) les indices du passé.
Dans le film Souvenirs de Niederbronn, Baccarat et Nancy - Relais radar du Grand Wintersberg réalisé entre 1963 et 1965, la famille du cinéaste se rend au sommet du Grand Wintersberg, point culminant du massif des Vosges du Nord. En pleine Guerre Froide, la famille se retrouve face au site de télécommunication de la Royal Canadian Air Force : le 601e Telecom Squadron. Cette unité est l'une des plusieurs installées sur le sol français à partir de 1952. Mises en place dans le cadre de l'OTAN, elles avaient pour mission d'assurer les transmissions radiophoniques entre les bases aériennes. Symptôme d’une époque, l’actualité géopolitique de la Guerre Froide surgit avec force dans le champ de la caméra, révélateur de la percée brutale de la Grande Histoire au coeur des vies individuelles.
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René Arnold, fonds Paul © MIRA |
Dans la sphère domestique, c'est à travers les objets du quotidien que se dévoilent les années 1960. À l'occasion d'un anniversaire, un jeune garçon reçoit, dans le film Au fil du temps (1963-1964), la compilation sur disque vinyle des musiques de la série télévisée Thierry la Fronde. Diffusée tous les dimanches soir entre 1963 et 1966, elle s'inspire librement du personnage de Robin des Bois. Rencontrant le succès, le feuilleton est rapidement adapté, dès 1963, sur de nombreux autres supports : disques, livres illustrés, bandes dessinées et même DVD. Peu après, le même garçon tient cette fois entre les mains un posemètre de la marque Prix Color. Servant en photographie à mesurer la luminosité, ce modèle était fabriqué en Allemagne depuis 1962.
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René Arnold, fonds Paul © MIRA |
Lors d'une autre célébration rituelle, un mariage à Erstein, un groupe de musiciens accompagne les festivités. Aux côtés du batteur, le pianiste fait résonner ses notes sur un synthétiseur mini compact de la marque Farsifa, spécialisée à cette époque dans la conception d'instruments électroniques (Mariages à Erstein - Zoo de Mulhouse, 1963).
Enfin, entre deux baignades à la plage de Saint-Raphaël, une jeune fille sort de son panier une poupée Bella. Typique des années 1960, les poupées Bella étaient produites en France de 1946 à 1984 (Vacances à Saint-Raphaël, 1960 env.).
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René Arnold, fonds Paul © MIRA |
D’une grande richesse, le fonds Paul est emblématique de la préciosité du film amateur et de la nécessité de le préserver. Particularité unique, il mêle en un seul objet la mémoire intime, les trajectoires personnelles, et les mouvements collectifs. Les films de René Arnold nous racontent ainsi à la fois une famille, des individualités — leurs liens, leurs émotions, les espaces qu’ils habitent — et un temps historiquement situé. Mais davantage, le cinéaste nous transmet la singularité de son regard : personnel, attentif, poétique, il nous laisse à travers lui un sentiment d’émerveillement devant toute la beauté du monde.
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