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MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique

Portraits de cinéastes
      • Portrait de cinéaste : Jean Barthomeuf

      • Par Thomas Bernolin
      • Portrait de cinéaste : Jean Barthomeuf
        • Jean Barthomeuf, fonds Association d'Éducation Populaire de Chavannes-sur-l'Étang © MIRA
      • Originaire de Narbonne, le professeur de mathématiques Jean Barthomeuf s'installe dans le Haut-Rhin après son mariage avec Marie-Thérèse Quiquerez. Initiateur de plusieurs voyages à l'étranger avec ses élèves, il fonde l'Association d'éducation populaire de Chavannes-sur-l'Étang en 1962. Il nous lègue onze films, confiés à MIRA en 2023, retraçant l'histoire de ses nombreux projets à visée éducative. 

        Fraîchement nommé en tant que professeur de mathématiques au Collège d’enseignement technique1 (CET) d’Altkirch, Jean Barthomeuf organise, dans le cadre de la Fédération des Œuvres Éducatives et de Vacances de l’Éducation Nationale (AROEVEN), des voyages avec ses élèves à partir des années 1960. En 1961, avec l’aide de ses collègues surveillants et d’accompagnateurs, l’instituteur conduit la colonie « Hirondelles » en Corse puis en Norvège l’année suivante. Dès 1962, les actions de son Association d’éducation populaire (AEP) et son engagement auprès des jeunes rythment son quotidien. Ses onze films aux couleurs saturées et chaleureuses, qui procurent un fort sentiment de nostalgie, traduisent son goût pour l’aventure et le vivre-ensemble. Inscrit au ciné-club local, le cinéaste fait également preuve d’une certaine maîtrise technique lorsqu’il utilise ses caméras 8 et Super 8 mm.

        Un acteur de l'éducation populaire


        Déjà très sensible aux problèmes rencontrés par la jeunesse (cloisonnement rural, insuffisance des offres culturelles et sportives…), Jean Barthomeuf associe le voyage à la liberté et l’indépendance. Soucieux de faire découvrir le monde à ces futurs adultes, l’éducateur bâtit les fondements philosophiques de sa future AEP. Le voyage renforce également la solidarité entre les jeunes garçons tout en leur apprenant la débrouillardise. Vadrouillant de région en région, le groupe séjourne non pas dans des hôtels ou gîtes mais dans des campements dressés au cœur des forêts ou des friches avoisinant les grandes villes. Sur le modèle des camps scouts, les jeunes sont ainsi amenés à faire preuve d’autonomie et d’entraide. À Rammersmatt, près des Vosges, c’est à partir de ces leçons que les enfants décident par exemple de construire une cheminée dans la pierre pour griller des tartines de pain, d’éplucher des légumes pour la préparation du repas ou bien de tailler des bâtons de noisetier pour les transformer en objets d'art.

        Jean Barthomeuf, fonds Association d'Éducation Populaire de Chavannes-sur-l'Étang © MIRA

         

        En 1963, alors que les activités sont encore très unisexuées, l’éducateur propose des camps mixtes, où garçons et filles partagent les corvées et les loisirs. Ce n’est pas un geste anodin en ce début de décennie où la distribution genrée des tâches instille encore lourdement les esprits. Si ses premiers voyages sont exclusivement dédiés aux élèves masculins du CET, il intègre cependant les filles aux excursions de l’AEP dès 1962, faisant ainsi preuve d’un certain avant-gardisme. Toutefois, les habitudes sociales refont rapidement surface sur les camps, les garçons s’amusant d’un côté, les filles de l’autre, montrant bien la fragilité de cette mixité encore en phase expérimentale.
         

        Jean Barthomeuf, fonds Association d'Éducation Populaire de Chavannes-sur-l'Étang © MIRA

         

        L’Association d'éducation populaire de Chavannes-sur-l’Étang : un projet par et pour les jeunes
         

        Après son mariage, Jean Barthomeuf s’installe dans la maison familiale de son épouse Marie-Thérèse Quiquerez à Chavannes-sur-l’Étang, entre Belfort et Mulhouse. Très vite, ils sympathisent avec Xavier Ganser, directeur d’école du village et Adrien Deyber, le curé de la paroisse, adepte du camping en groupe notamment dans le cadre de la retraite préparatoire à la communion solennelle. Mettant en commun leur volonté d’intéresser les jeunes et leurs parents aux loisirs actifs et créatifs, ils fondent l'AEP en juin 1962. Dès lors, tout le village se mobilise autour des projets de construction d’une « maison des jeunes » et d’organisation de camps de vacances en été.

        Grâce à la formation d’animateurs envoyés en stage, diverses manifestations et activités prennent forme dans la commune : repas dansants, lotos, intervillages, olympiades… À l’image du Kermorama (kermesse du monde), festival à connotation religieuse et souvent évoqué dans la revue catholique « Cœurs vaillants », où des jeunes des villages voisins se réunissent à Sentheim pour représenter de nombreuses cultures nationales dans un grand cortège qui rappelle les défilés carnavalesques.

        Jean Barthomeuf, fonds Association d'Éducation Populaire de Chavannes-sur-l'Étang © MIRA


        Une fois l’Association d’Education Populaire créée, les jeunes du village souhaitent pouvoir disposer d’une salle pour se retrouver et pratiquer des loisirs ensemble. Maigrement soutenu par une subvention jeunesse et sport, les chantiers débutent en 1964. Le film « Construction des locaux de l'Association d'Education Populaire » témoigne de l’aspect intergénérationnel et solidaire de ce projet. Porté par les jeunes qui mettent la main à la pâte en moulant des centaines d’agglos, il rassemble aussi bien les petits que les grands. Les images d’archives documentent l’avancée des chantiers en illustrant les travaux d’irrigation, de charpente et de maçonnerie. Le terrain vide laisse bientôt place à une large bâtisse encore inachevée mais prometteuse de beaux jours.
         

        Jean Barthomeuf, fonds Association d'Éducation Populaire de Chavannes-sur-l'Étang © MIRA

         

        La dangerosité des poses de charpente et le manque de sécurité plus général des chantiers retranscrivent l’état d’esprit des années 1960, plus laxiste et moins sensibilisé aux risques sanitaires. Face à l'impossibilité financière de les conformer aux réglementations sécuritaires et énergétiques, les bâtiments ont fini par être cédés à la commune de Chavannes-sur-l’Étang. L’histoire de l’AEP trace également la perte d’autonomie progressive des associations.

        La mise sur pied de ces locaux sonne enfin comme la réalisation des souhaits de Jean Barthomeuf, ceux d’une jeunesse dynamique et prête à se battre pour obtenir ce qu’elle souhaite. Même si l’AEP n’a pas toujours fait l’unanimité dans la commune2, l’investissement de ses bénévoles lui permet toujours de participer à l’éveil culturel et social des jeunes. L’association a depuis été renommée Centre Jean Barthomeuf, d’après le nom de son illustre fondateur.

        1 En 1959, dans le cadre de la « réforme Berthoin », le gouvernement français décide de transformer les centres d'apprentissage (CA) en collèges d'enseignement technique (CET) qui deviendront à leur tour des lycées d'enseignement professionnel en 1975 (réforme Haby du 11 juillet 1975), puis des lycées professionnels en 1985.
        2 Opposition aux loteries, choc causé par le choix de construire sur l'ancien cimetière de la commune...

      • Films en lien

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