Par Sybille d'Hardemare
Avec l'aide d'Ondine Duché

S’étendant des années 1950 aux années 1980, la collection Deck-Grucker incarne l’essence du film de famille, s’attachant à capter les moments clés de la vie d’un groupe : communions, mariages, réveillons… Mais elle témoigne plus particulièrement de la transmission au sein de la famille de la pratique du cinéma amateur, les caméras passant de main en main et de génération en génération.

En noir et blanc ou en couleur, ces 11 films 8mm nous racontent ainsi, entre filiation et transmission, l’histoire d’une famille qui filme, et se filme, sur plus de trente ans.

À l’origine de cette pratique se trouve Charles Deck, dentiste à Strasbourg et cinéaste principal de cette collection. Ses films attestent à la fois de sa grande maitrise de l’image mais aussi d’une attention particulière à documenter toutes les étapes des moments forts de la vie familiale. 

En effet, le cinéaste s’attarde, non pas seulement sur les points culminants de ces événements (cérémonies ou réceptions), mais aussi sur ce qui se déroule juste avant ou juste après. Ce sont, par exemple, dans le film Confirmation protestante (1964), les préparatifs de sa fille Sylvie avant sa confirmation, offrant une belle séquence entre la mère et sa fille, coiffant ses cheveux et lui passant autour du cou une croix en pendentif. Des images d’autant plus touchantes qu’elles se rejouent quelques années plus tard à l’occasion du mariage de Sylvie (Mariage et voyage de noces (1969)). Sa mère l’aidant cette fois à enfiler sa robe de mariée dans l’intimité d’une pièce de l’appartement de l’Esca où la famille réside.

Confirmation de Sylvie (1964), Charles Deck, fonds Deck-Grucker © MIRA		Mariage de Sylvie (1969), Charles Deck, fonds Deck-Grucker © MIRA

Après avoir filmé en longueur les fiançailles de sa fille, son mariage à la mairie puis à l’église, la réception et la fête, Charles Deck ne cesse pas pour autant de faire tourner sa caméra, nous faisant vivre la suite des aventures pour le nouveau ménage. Il enregistre ainsi l’installation du jeune couple dans le quartier de la Meinau qu’il retranscrit notamment par l’acheminent de la malle de mariage depuis le domicile parental jusqu’à l’appartement du couple.

Départ de l'appartement de l'Esca, Charles Deck, fonds Deck-Grucker © MIRA		Arrivée à la Meinau, Charles Deck, fonds Deck-Grucker © MIRA

De leur préparation à leur aboutissement, le cinéaste installe donc les événements qu’il documente dans la durée. Il y déploie même une véritable narration grâce à l’intégration de nombreux éléments de liaison. Créations de cartons, inserts de faire-part, cartes de naissance ou calendrier… il nous permet ainsi d’identifier les lieux, les noms des protagonistes, les dates, et de suivre au plus près le déroulé des événements.

Fonds Deck-Grucker © MIRA

Charles Deck ne capture donc pas seulement des images sur le vif mais semble déjà penser au moment de leur transmission nous permettant des décennies plus tard de reconstituer une partie de leur histoire.

Un « roman familial » qui s’écrit avec beaucoup de créativité souvent teintée d’humour à travers plusieurs stop-motion (accumulation des cadeaux, animation des alliances), mises en scène mais aussi la réalisation d’une saynète humoristique avec la complicité de sa fille (voir la fin du film Confirmation protestante (1964)).

Car le goût du cinéma se transmet et se partage avec toute la famille. Ainsi, certaines séquences de films sont tournées par les enfants et gendres de Charles Deck. C’est le cas de Sylvie et Daniel qui emportent la caméra du père pour filmer leur voyage de noces offrant de belles scènes au bord de la mer où le couple se filme tour à tour.

C’est aussi Catherine et Jean-Louis qui immortalisent les premiers mois de leur fille Sophie en Algérie dans le film Naissance à Strasbourg et premiers mois en Algérie (1970-1971).

Daniel et Sylvie Grucker en voyage de noces, fonds Deck-Grucker © MIRA
Jean-Louis et Catherine Weber avec leur fille Sophie en Algérie, fonds Deck-Grucker © MIRA

Mais Charles Deck ne délaisse pas pour autant la caméra et filme à son tour avec tendresse ses petits-enfants. Malgré le temps qui passe, il est touchant de voir que les mêmes thèmes, propres au film de famille, reviennent sur le devant de la scène, comme la confirmation du petit-fils du filmeur en 1978 (Confirmation à l'église réformée de Riedisheim (1978)). Mise en regard aux précédentes confirmations, cette séquence raconte subtilement les permanences et les évolutions de la vie familiale.

À gauche confirmation de Sylvie en 1964, à droite confirmation de Charles, petit-fils du cinéaste, en 1978, fonds Deck-Grucker © MIRA

 

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Merci à Ondine Duché pour la documentation de la collection et son aide pour la rédaction de cet article.