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MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique

Portraits de cinéastes
      • Portrait de cinéaste : Aimé Nobert

      • Par Marion Brun
      • Portrait de cinéaste : Aimé Nobert
        • © Aimé Nobert, fonds Steinmetz
      • Au nombre de 34, les films tournés en 16 mm par Aimé Nobert sont remarquables en ce qu'ils témoignent de la vie à Lauterbourg et alentours durant les années 1940, lors de l’annexion de l’Alsace et après sa libération. Gérard Steinmetz, qui sauva et déposa cette collection à MIRA en 2015, est allé en 2024 à la rencontre d’anciens de Lauterbourg qui ont pu apporter des renseignements précieux sur les lieux et les personnes apparaissant à l’image afin de mieux documenter les films. Toutes les informations collectées ont permis la rédaction de ce portrait de cinéaste. MIRA remercie donc chaleureusement Blandine Guth, Jean-Pierre Bitterwolf, Denis Fetsch et bien entendu Gérard Steinmetz sans qui ces films auraient été perdus.

         

        Aimé Nobert dirigea l’usine Sparterie et vannerie du Rhin, Spavarhin[1], connue localement comme "la fabrique de tapis". Installé rue du Faubourg à Lauterbourg d’abord, l’établissement déménage à la fin de la Seconde Guerre mondiale au bord du Rhin, avant sa fermeture définitive autour de 1960. Monsieur Nobert fut le premier habitant de Lauterbourg à posséder une caméra. Le choix du 16 mm n'est certainement pas un hasard : sorti par la firme américaine Kodak en 1923 à destination des amateurs éclairés, ce format s'est peu à peu professionnalisé et révèle souvent une vraie maîtrise des cinéastes, manifeste sur les films d'Aimé Nobert. Si une partie d'entre eux reflète la vie d'une famille bourgeoise entre visite à des amis, promenade à la campagne et scènes d'intérieur cossues - rappelons que posséder une caméra dans les années 1940 n'était pas à la portée de tous - les films d'Aimé Nobert qui attirent le plus l'intérêt sont sans aucun doute ceux qui racontent l'impact de la Seconde Guerre mondiale sur la région. 

        Filmer la guerre et ses stigmates

        Dans ces films d'une vie quotidienne a priori paisible, la guerre fait rapidement incursion. Comme lorsqu’aux alentours de 1944, ce soldat en uniforme de la Wehrmacht pénètre dans la villa des Nobert, cigarette à la bouche dans une atmosphère décontractée. Si la séquence souligne la qualité du geste filmique du cinéaste qui met en scène l'arrivée du soldat, elle  évoque surtout la difficulté de comprendre parfois ce qui se joue dans ces instants captés et qui nous sont livrés sans contexte. Qui est ce soldat ? un Allemand ? Pourquoi se rend-il chez les Nobert ? Tout est imaginable. Le film Visite de l’usine Spavarhin, en est une autre illustration. Tourné 1944, il met en scène notre cinéaste, propriétaire des lieux, et son comptable se promenant à l'extérieur de l’usine de tapis avec un jeune soldat allemand. Là encore on peut s'interroger sur cette scène singulière. Et pourtant, ces moments de détente anodins livrent une réalité douloureuse dans l'histoire de nombreuses familles de la région. Ces deux jeunes hommes en uniforme ne sont pas des Allemands, ils sont des habitants du village, incorporés de force dans l'armée du IIIe Reich comme ce fut le cas pour la majorité des jeunes Alsaciens. Celui qui visite l'usine est en réalité le fils du comptable. Il ne reviendra jamais du front, ce qui donne une résonance toute particulière à ces instants apparemment anodins enregistrés sur pellicule. 

        Un autre de ces films interroge : Soldats allemands à Hatten et Rittershoffen (voir film en lien). Comment des cinéastes amateurs alsaciens comme Monsieur Nobert ont-ils pu filmer de si près des soldats allemands, lors de moments de détente, de défilés - là encore admirablement préparés avec la caméra statique frôlée par les militaires – ou même de manœuvres ? Devant l’objectif, les officiers sont détendus et sourient, les soldats jouent aux cartes dans un wagon, posent et échangent tranquillement[2]. Est-ce qu'Aimé Nobert, en tant que civil, eut l'autorisation de filmer des images servant la propagande du IIIe Reich et a saisi cette opportunité pour rendre compte de la vie sous l'Occupation ? C’est tout à fait imaginable, d’autant que cette typologie de production est similaire à celle filmée par d’autres cinéastes durant la période (Georges Lortz ou Léonard Hueber). Faut-il également rappeler que les Alsaciens annexés étaient considérés par le Reich comme des citoyens allemands à part entière ? 

        Manoeuvre d'un char à Hatten ou Rittershoffen, Aimé Nobert © MIRA


        À plusieurs reprises après la fin du conflit, Aimé Nobert, accompagné de son épouse et d’amis, se rend dans des villages qui ont subi de lourds dégâts et en filme les traces. Il nous offre ainsi un témoignage particulièrement éloquent des conséquences des âpres combats de la poche de Colmar en se rendant à Ostheim, détruite par des bombardements durant l’hiver 1944-1945. Le village n’est plus qu’un amas de ruines où la seule âme visible est une cigogne perchée sur son nid. À Hatten et à Rittershoffen, plus proches de chez lui, il capte des images impressionnantes des dégâts causés par les combats lors de la contre-offensive allemande de janvier 1945, l’opération Nordwind (voir film en lien L'Après-guerre dans le nord de l'Alsace). Dans ce paysage désolé de maisons aux toitures effondrées et aux murs criblés d’impacts lorsqu’ils ne se sont pas complètement effondrés, Aimé Nobert réussit pourtant à saisir la vie qui se réorganise : l’Entraide française est déjà sur place tandis que des prisonniers allemands déblaient les gravats, des femmes marchent dans la rue. Plus loin, un homme répare sa voiture, les enseignes sont déjà repeintes en français. Car  le cinéaste témoigne aussi du travail de reconstruction nécessaire après la guerre.

        Filmer la reconstruction

        En effet, la production d’Aimé Nobert ne s’est pas arrêtée après le conflit. Assidûment, il continue de tourner des images qui témoignent aussi du long travail de réparation et de restructuration d’une Alsace qui panse ses plaies dans l’après-guerre.

        Construction d'une baraque en bois, Lauterbourg, Aimé Nobert © MIRA

        En 1946, il filme des ouvriers construisant une maison en bois sur la place du château de Lauterbourg, pour le boucher de la ville. On voit ailleurs la maison terminée dans une séquence consacrée à une fête locale en 1947. Toujours dans la commune, un film rare nous rappelle que les prisonniers allemands participèrent aussi à l’effort de reconstruction en effectuant des travaux pour les locaux ou sur la voie publique.

        Ce travail de reconstruction passe aussi par la punition des bourreaux et là encore, Aimé Nobert est présent : il se rend en mai 1946 au tribunal militaire de Strasbourg et parvient à capter des images rares du procès du Gauleiter Robert Wagner ainsi que de ses co-accusés. Ils sont jugés pour les crimes commis contre l'Alsace, au nom de la nazification de la province, en particulier l'enrôlement de force de plus de 100 000 jeunes Alsaciens dans la Wehrmacht, dont plus de 30 000 ne revinrent pas. Condamné à mort, le haut-dignitaire fut passé par les armes au fort Ney en août 1946 en restant fidèle jusqu’au bout à l’idéologie nazie (voir films en lien L'Après-guerre dans le nord de l'Alsace).

        Enfin, peut-être malgré lui, Aimé Nobert se fait l’illustrateur d’une région qui retourne dans la vie, par un carnaval que les enfants fêtent joyeusement ou par une séance de cinéma qui se tient au restaurant À la Rose de Munchhausen, avec la projection du film « Le Grand Élan » de Christian Jacques, sorti six ans auparavant. Au village, c’est la fête ! Petits et grands sont sur leur trente-et-un et remontent la rue vers le cinéaste, comme s’ils participaient à une procession.

        Filmer le Rhin 

        Si les films tournés autour de la Seconde Guerre mondiale sont des documents exceptionnels, un autre sujet, plus poétique, est au centre de certains films d’Aimé Nobert : le Rhin. C’est certainement sans y penser que le cinéaste capte le grand fleuve, puisque, non canalisé dans cette zone de l’Alsace du nord, il fait intégralement partie du paysage et du quotidien des habitants. Lieu de rêverie, d'approvisionnement, de dangers aussi parfois, il apparaît régulièrement sur la pellicule du Lauterbourgeois. Lors d’une promenade à Munchhausen juste après guerre, le long des berges à l’embouchure du Rhin et de la Sauer, le cinéaste saisit un instant pittoresque et hors du temps grâce aux pêcheurs en barques à fond plat qui jettent leur ligne dans les eaux du fleuve. 

        Pêcheurs à Munchhausen, Aimé Nobert © MIRA

        Le couple Nobert semblait aimer se promener en toute saison sur les rives du fleuve bordant Lauterbourg, même lorsqu’en cet hiver 1947 l’air est glacial et que le cours d’eau, proche du débordement, charrie de la glace (Voir film en lien Bords du Rhin à Lauterbourg). Lui a su capter la lumière changeante se reflétant sur le fleuve, les variations de son débit et lui rendre ce faisant un bel hommage.  Enfin, il a filmé autour de 1946 le Rhin en crue à Lauterbourg, débordant sur le site de la scierie Schneider-Klein où un ouvrier continue tranquillement son travail : si elles sont inhabituelles aujourd’hui, les inondations du cours d'eau étaient plus familières aux riverains qui avaient appris à vivre avec. Grâce à la caméra du filmeur, on voit à quel point le Rhin était porté alors par des tourbillons et des courants puissants.

        Ainsi, Aimé Nobert fut un témoin remarquable de son temps, un observateur de la réalité complexe d'une époque et d'une région si particulièrement marquées par les affres de la guerre. Ses films, à la fois personnels et documentaires, révèlent la vie quotidienne à Lauterbourg durant les années de guerre et de reconstruction et offrent un éclairage précieux sur les difficultés, les souffrances mais aussi le renouveau d'une société. Ils sont des documents historiques importants, et constituent aussi un précieux héritage. 

         

        AIMÉ NOBERT EN TROIS FILMS

         

        [1] Informations transmises par monsieur Steinmetz

        [2] Leurs uniformes noirs et insignes font penser à des unités ferroviaire ou du génie (Pionier ou Baupionier), ce qui aurait du sens vu que les soldats sont stationnés le long d’une voie de chemin de fer.

      • Films en lien

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