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      • Les sports nautiques à Strasbourg

      • Par Thomas Bernolin
      • Les sports nautiques à Strasbourg
        • Fonds Pommereuil-Schmidt © MIRA
      • Les amateurs de randonnée pédestre, de ski et escalade connaissent l'Alsace pour la beauté montagnarde des Vosges. Moins notoire pour ses activités nautiques, la région possède pourtant un atout aquatique de taille : le Rhin et ses affluents.

        Auparavant peuplé d'une riche faune piscicole, le Rhin a connu d'intenses crues qui venaient inonder ses bras résiduels, alimentant ainsi sols et forêts. Altéré par les transformations et les incidents industriels, l'imaginaire forgé autour du cours d'eau franco-allemand a radicalement évolué depuis le milieu du siècle dernier1.

        Se baigner dans le Rhin strasbourgeois
         

        Espace à l'origine propice à la baignade dite sauvage, lieu de rencontres et d'échanges humains, le Rhin urbain alsacien, à la différence d'une ville comme Bâle, se résume à un élément du paysage parmi d'autres, accompagnant désormais nos promenades. Plus clairement, nous ne considérons plus le cours d'eau au même titre que jadis. Et pourtant...
         

        Pauline Urban, fonds Sorgius-Urban © MIRA


        Datant de 1928-29, le film de la cinéaste Pauline Urban nous montre une famille en file indienne sur une des rives du Rhin. En maillot de bain, hommes et enfants s'élancent dans le fleuve et réalisent quelques brasses. Curieusement, les femmes demeurent sur la berge, observant à distance leurs maris et fils... À cette époque, seule une minorité de femmes maîtrise la nage, d'autant plus que celle-ci n'a pas encore été réglementée2.

        Aux côtés de l'alpinisme, de l'aérostation ou encore de la gymnastique, la natation se présente pourtant comme une des seules activités féminines tolérées en ce début de vingtième siècle. C'est en 1912 que le Comité international olympique (CIO) intègre la natation féminine à ses disciplines. Malgré quelques réticences caricaturales et réactionnaires, elle s'impose dans la presse spécialisée, les discours médicaux ou les considérations éducatives de tout ordre comme "le sport féminin par excellence", alliant la propreté corporelle et la santé physique prônées par les politiques hygiénistes en vigueur3. En 1954, le cinéaste amateur Paul Aloïse Kauffmann capte une compétition de nage féminine se déroulant dans l'Ill, un des bras rhénans englobant la ville de Strasbourg. Moins de dix ans après la course nautique filmée par Géo Rieb, la manifestation populaire rassemble une foule de badauds sur les quais, donnant ainsi une idée de son caractère événementiel. Les nageuses crawlent les unes après les autres, se suivent parfois de près. Sublimées par le contraste d'un noir et blanc granuleux, ces traversées à la nage donnent lieu à de belles images d'une activité localement révolue. 
         

        Paul Aloïse Kauffmann, fonds Kauffmann © MIRA

         

        Un champion de l'aviron au Club Nautique de Strasbourg
         

        Traversée quotidiennement par les bateaux-mouches et navires marchands, la ville de Strasbourg accueille aussi un nombre important de clubs en lien avec les sports de pagaie : une base nautique, trois stades d'aviron, une association de canoë de vitesse et un terrain de kayak-polo. Le Strassburger Ruderverein, l'ancien Cercle Nautique de Strasbourg, figure parmi les établissements les plus notoires. 

        Après l’Armistice de 1918, l’État français demande aux Alsaciens de marquer leur attachement au pays, notamment à travers les sports. Après avoir été tourné vers la rive orientale du Rhin, le Cercle Nautique de Strasbourg, aujourd’hui Aviron Strasbourg 1881, repense ainsi sa logique interne et devient, en l’espace de quelques années, un des fleurons du sport français.

        Célébrant les 50 ans de la victoire du club aux Championnats d'Europe de Barcelone, le film "Cinquantenaire - Championnat d'Europe d'aviron" du réalisateur amateur Robert Lehmann débute par un gros plan sur une photographie des lauréats de l'époque - dont lui-même. Aux côtés de ses camarades Charles Schlewer, René Metzelaire, Paul Kirrmann et d'un barreur lyonnais, il a, en effet, remporté le premier titre de la catégorie "1er en quatre de pointe avec barreur" en 1922.
         

        Robert Lehmann, fonds Lehmann © MIRA


        Par plusieurs cartons et l'apparition de l'enseigne "CNS", ses images d'archives nous projettent dans l'édition 1972 du même concours. On y remarque plusieurs hommes âgés, certainement les anciens compagnons d'aviron du cinéaste. D'autres participants transportent l'embarcation nommée "Alouette" sur le quai. Vêtu d'un polo blanc et rouge, chaque membre du groupe pagaye à l'unisson dans l'Ill. Les avirons passent sous le pont Royal, à proximité de l'Église Saint-Paul. En 1962, il participe également à une course internationale de voiliers, où l'on distingue entre autres des pavillons écossais.

        Des joutes nautiques devant le Palais Rohan
         

        Fervent défenseur du patrimoine naturel alsacien, le docteur et naturaliste Pierre Schmidt est l'auteur de nombreux films sur les crues fluviales et la faune régionale. En même temps qu'il cherche à garder la trace d'un paysage en voie de disparition comme le Ried, il documente plusieurs événements locaux à l'instar d'une compétition de canoë-kayak à la frontière franco-suisse ou encore des joutes nautiques près du Palais Rohan à Strasbourg en 1953.
         

        Pierre Schmidt, fonds Pommereuil-Schmidt © MIRA


        Dans leur combinaison blanche (marcel et short), les participants du film s'affrontent en duel en misant sur leur équilibre et leur agilité. Dans une position de grand écart sur un tabagnon (plateforme située à l'arrière des barques), ils tentent de faire chuter leur adversaire à l'aide d'une lance4. Sur les quais, un jury juge leurs performances et leur attribue des scores. Soucieux de retranscrire la précision et la stratégie des gestes, le réalisateur ralentit volontairement la cadence des images, nous laissant le temps de savourer les attaques et les chutes. Assez rare dans le cinéma amateur, le slow-motion (ralenti) appuie sur les contractions musculaires et les expressions faciales des hommes, exaltant ainsi leur corps athlétique. Relevons aussi l'absence des plastrons, ces boucliers de bois censés couvrir la poitrine des jouteurs, qui peut expliquer leurs blessures apparentes. Il faudra attendre 1960, soit sept ans après la date du film de Schmidt, pour que la joute soit officiellement reconnue comme un sport par le gouvernement français. 

        Là encore, les collections de MIRA attestent de l'institutionnalisation progressive des pratiques nautiques. En filigrane, elles donnent également à considérer l'évolution des rapports des habitants avec le Rhin et ses paysages.

        À ce sujet, voir : Roland Carbiener & Laurent Schmitt, Rhin vivant. Histoire du fleuve, des poissons et des hommes, Strasbourg, La Nuée bleue/EBRA Éditions, 2022.
        2 En 2017, l’Institut de Veille sanitaire indique que 62% des Françaises nées entre 1932 et 1943 ne savent pas nager, contre 35% des hommes nés à la même période.
        Terret Thierry. « La natation est le sport féminin par excellence ». Pratiques aquatiques et traditions sportives dans la première moitié du XXe siècle. In : Les femmes : supports de la tradition ou actrices de l’innovation ? Actes du 131e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Paris, Editions du CTHS, 2010, p. 185-196.
        Répandus dès l’Empire romain, ces spectacles atypiques étaient érigés en l’honneur des dirigeants. Une fête dédiée à l’empereur Dioclétien à Strasbourg fut par ailleurs décrite en l’an 303.

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