MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique
Le Champ du Feu, le Markstein, le col de la Schlucht, le Hohneck… Les collections de MIRA foisonnent de films familiaux tournés au sommet des Vosges, dont la première trace remonte aux années 1930. Zone propice aux activités de plein air, le massif a de quoi ravir les randonneurs, skieurs et grimpeurs. Les Vosges s’inscrivent incontestablement dans l’histoire des sports de montagne français.
Si le ski est en premier lieu un moyen de se déplacer en montagne, les stations réservées à la pratique sportive se développent dans les Vosges au cours du XXème siècle. Influencé par les usages issus des pays montagneux du Nord de l’Europe, le massif contribue à l’introduction du sport en Europe centrale. Grâce aux clubs naissants à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle – le Ski Club Vosgien est fondé en 1896 à Strasbourg –, les Vosges acquièrent de plus en plus de place au sein de la Fédération française du ski.
Au Champ du Feu, très peu d’aménagements existent, bien qu’on commence à y skier dès les années 1880. Le trajet est long et rude. Il faut se rendre dans la vallée de la Bruche en train, grimper jusqu’au sommet des pistes puis refaire le trajet en sens inverse à la fin de la journée. Pour éviter cet aller-retour, et par intérêt économique, les associations et les clubs locaux construisent des logements. Premier club à voir le jour, le Ski Club Vosgien 1896, acquiert ainsi la Ferme Morel en 1921, qu’il détient jusqu’en 19631. Néanmoins, en raison des tarifs hôteliers, ce sont majoritairement les familles aisées qui pratiquent le ski. Dans les films de Jean Hutin tournés au col de la Schlucht entre 1934 et 1935 (« Au col de la Schlucht » et « Ski à la Schlucht »), on remarque notamment des skieurs et des skieuses aisé.e.s, élégamment vêtu.e.s. Ils profitent de journées ensoleillées pour gravir les hauteurs des Vosges. Le choix des pistes ne semble cependant pas large, et les individus glissant à proximité des voitures garées les unes derrière les autres.
Jean Hutin, fonds Jacquel © MIRA |
Après la Première Guerre mondiale, de nombreuses routes ont été construites, rendant tous les flancs des Vosges accessibles : un plus grand nombre d’Alsaciens peut ainsi se rendre sur les pistes. C’est le début du tourisme d’hiver. Les clubs suivent le mouvement en mettant en place de nouvelles infrastructures telles que des téléskis à perche, des remonte-pentes et des parkings. À partir des années 1950, le développement du ski au Champ du Feu en fait le haut-lieu du tourisme d’hiver au sein du Bas-Rhin. En 1952, dans son film « Ski en Famille », Robert Lehmann emprunte notamment un téléski, dévoilant l’arrivée des installations. Les stations paraissent plus remplies, les cours pour enfants étant le reflet le plus évident de cet accès élargi. Si le ski demeure un divertissement, les leçons témoignent d’une volonté d’étendre sa pratique. Employé aux Mines de Potasse d’Alsace en tant que professeur de sport, Charles Bueb emmène ainsi les enfants des mineurs apprendre à skier. Dans son film « Stage de ski à l’École des Mines au Markstein » datant de 1960, les enfants se suivent à la queue-leu-leu et reproduisent soigneusement les instructions des moniteurs et monitrices – malgré quelques chutes !
Charles Bueb, fonds Bueb © MIRA |
Si le ski apparaît dans les films amateurs comme une activité familiale et de loisir, des compétitions s’organisent rapidement. Tourné entre 1968 et 1970, le film d'Hippolyte Louis Laemmel, « Vosges entre randonnée, ski et Club Vosgien », dévoile une course de slaloms pour enfants. Le réalisateur suit le départ des différents participants et leurs prouesses durant l’épreuve. Notons la tenue vestimentaire des skieurs – doudounes, combinaisons, lunettes de ski – qui semble davantage s’apparenter à la tenue sportive que nous connaissons aujourd’hui.
Jacques Rinck, fonds Rinck © MIRA |
Les compétitions permettent par ailleurs la renommée des stations. Le Markstein reçoit à deux reprises, en 1983 et en 1987, la Coupe du Monde du ski alpin. De l’autre côté de la frontière allemande, en Forêt-Noire, des marathons à ski ont lieu dans les années 1970 : le Schwarzwälder Ski-Marathon (Marathon de Ski de la Forêt-Noire) s’établit sur le sentier de ski longue distance entre Schonach et Belchen. En 1978, deux films de Roger Klein immortalisent ce tournoi. Alternant les plans très larges et serrés sur les participants, les images montrent les fondeurs du monde entier s’élançant sur la piste de 60km entre Shonach et Hinterzarten. « Immortaliser » est le mot juste, cette compétition n’existant plus comme telle aujourd’hui. À la suite de nombreuses annulations en raison du manque de neige, les participants se font de plus en plus rares et l’association à son origine, la Schwarzwälder Ski-Marathon e. V., ne dispose plus des moyens pour l’organiser. Si elle a depuis été révisée et légèrement transformée en une course avec sacs à dos, il semble pertinent de noter l’impact des dérèglements climatiques dans l’histoire de cette compétition. Un constat que nous pouvons étendre à l’ensemble des pratiques du ski.
Étienne Klein, fonds Klein © MIRA |
En effet, les images des collections de MIRA révèlent des paysages recouverts de neige : des sentiers et des champs à proximité des maisons, où il est possible de prévoir une journée de randonnée à ski, même à l’arrivée des beaux jours. Ainsi, le réalisateur Yvon Herbage documente ses balades dans les Vosges avec ses amis, dans ses films « Ski dans les Vosges » (1979) ou « Ski au Lac des Truites » (1987). Muni de ses propres équipements, le groupe s’aventure sur les sommets en glissant sur les chemins forestiers avant de prendre un bain de soleil. A fortiori, ces images deviennent précieuses tant nous peinons à retrouver ce décor une fois l’hiver venu.
À défaut de glisser sur les Vosges, certain.e.s préfèrent encore les escalader. Les grimpeurs s’élancent sur le granit vosgien à l’arrivée des beaux jours, ou pour les plus fervents, à toute saison.
Gérard Guth, fonds Guth © MIRA |
L’un des sites d’escalade les plus présents dans les collections de MIRA est celui de la Martinswand. Face au Hohneck, elle offre aujourd’hui quatre-vingt-dix voies accessibles grâce à la Route des Crêtes. Ce site de renommée historique servait d’abord de terrain d’entraînement aux alpinistes. Selon leurs carnets militaires, ce sont d’ailleurs deux ascensionnistes, un Allemand et un Autrichien, qui ont nommé ces pics2.
Si les générations de grimpeurs se succèdent sur ce fameux site, les pratiques et les équipements ont aussi évolué. En 1938, le film « Jours Heureux » de Géo Rieb montre deux jeunes hommes grimpant une voie après une nuit en montagne, avec une simple corde, probablement en chanvre, nouée autour de la taille. Après une marche en flanc de montagne, ils s’élancent dans une ascension. Parvenu en haut de la voie, l’un des deux hommes agite un tissu dans le vent. Symbole de victoire ou de liberté ? En tout cas, le réalisateur apprécie le surplomb de la vallée, en livrant une plongée vertigineuse depuis le sommet.
Géo Rieb, fonds Rieb © MIRA |
Réalisé plus tardivement, en 1965, le film de Gérard Guth « Escalade de la Martinswand dans les Vosges » documente la séance d’escalade « artificielle » de deux hommes. En employant des équipements dédiés, notamment des petites échelles utilisées dans les « toits » des voies, les grimpeurs évoluent durant de longues ascensions, parfois en se hissant sur la corde ou sur les coinceurs. Cette méthode était largement répandue avant la généralisation de l’escalade dite « libre » dans les années 1960. Ils s’élancent alors tour à tour sur des voies aux noms familiers pour les connaisseurs de la falaise alsacienne, « Le clair de lune », « Le calvaire », « La salope » et « La surplombante ».
Attachés l’un à l’autre, les deux hommes se rejoignent au milieu des voies en s’assurant successivement. Le réalisateur suit leurs ascensions avec un souci du détail. Ses plans fixes et serrés documentent la réalisation du nœud de la corde, la fixation des mousquetons, les broches (points d'ancrage) dans la roche et les prises dans la falaise. Du côté de l’équipement, la corde des deux hommes est toujours simplement nouée à la taille. L’un d’entre eux revêt un harnais pour l’une des voies. Ils portent des chaussures montantes qui s’apparentent davantage à des chaussures de montagne qu’aux premiers chaussons d’escalade3. Nous sommes encore loin du baudrier et des chaussons actuels. Notons également l’absence de magnésie, une poudre blanche à appliquer sur les mains et qui permet une meilleure prise, empruntée à la gymnastique par John Gill en 19604.
Gérard Guth, fonds Guth © MIRA |
Dans les années 1970, l’escalade libre se développe et trouve sa place parmi les sports de montagne. Elle libère les grimpeurs de certains équipements, les conduisant à utiliser les prises formées par la roche. Le grimpeur français Patrick Edlinger acquiert notamment une certaine notoriété. Le documentariste Jean-Paul Janssen consacre plusieurs de ses films, en partie conservés par la Cinémathèque d’Images de Montagne (CIMALPES), aux ascensions du rochassier5. Il réalise deux films en 1982 : La vie au bout des doigts puis Opéra Vertical. Surnommé « l’Ange blond », Patrick Edlinger devient une référence pour les grimpeurs. Sa médiatisation permet à l’escalade de se développer plus franchement.
En parallèle, les femmes se démènent de plus en plus pour se faire une place dans les sports de montagne en général et dans l’escalade en particulier. Comme en témoignent les archives sur les sports de montagne, elles apparaissent rarement à l’image. Le film de Gérard Guth, « Escalade de la Martinswand dans les Vosges », accorde quelques secondes à un groupe de jeunes femmes. Seulement, elles ne sont pas grimpeuses mais accompagnatrices, montrées en train de marcher sur des gros rochers… en jupe ! Leur tenue et leur action nous laissent entendre qu’elles ne participent pas à la séance de grimpe. C’est grâce à la médiatisation de l’escalade dans les années 1980 que les femmes commencent à bénéficier d’une attention médiatique. Si les médias leur accordent de l’intérêt, elles doivent néanmoins lutter pour obtenir le premier rôle sur les falaises. Surtout, elles deviennent l’expression d’une vision de la montagne qui se veut plus « sensuelle »6.
Dès les années 1990, les clubs et les salles d’escalade privées voient finalement le jour et les compétitions se succèdent. En 1985, Fernand Vogelgesang filme un groupe de randonneurs observant des grimpeurs sur la falaise. Filmés de loin, le réalisateur zoome sur les individus agrippés à la montagne, soulignant l’esprit collectif de l’activité.
Gérard Guth, fonds Guth / Fernand Vogelgesang, fonds Vogelgesang © MIRA |
En 2024, l’escalade apparaît aux Jeux Olympiques pour la seconde fois. C’est l’occasion de souligner l’engouement croissant pour ce sport durant les dernières décennies ainsi que l’arrivée récente de la compétition dans ce milieu.
1 SCHUSTER Mael, « Champ du Feu », Rhinedits, publié le 4 mai 2023.
2 OLIVIER Ivan, « La Martinswand – Massif du Hohneck – Haut Rhin (68) », Gratteron et chaussons, publié le 19 mai 2022.
3 Les premiers chaussons d’escalade sont créés par Pierre Allain dans les années 1930. Ils ressemblent à des baskets montantes avec une semelle en gomme adhérente.
4 JOURDAIN Philippe, « L’histoire de l’escalade », Grimper, publié le 20 octobre 2020, lien URL : https://www.grimper.com/histoire-escalade-1-10.
5 Voir précisément : https://www.cimalpes.fr/films-de-montagne-752-0-0-0.html?ref=683fa017cd5601631f9fefd8ae9e1235.
6 KENTZEL Soline, « Une histoire des femmes en falaise. Enquête, récits, réflexions : à la rencontre des pionnières », Grimper, Janvier-Février 2023.
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