MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique
De l’industrie mécanique aux premières associations d’automobilistes en passant par les compétitions sportives, l’Alsace entretient un lien fort et historique avec l’automobile.
Forte de ses usines et de ses savoir-faire, la région a fait naître sur son sol les plus grandes marques de constructeurs automobile tandis que le relief de son territoire lui permet d'accueillir de nombreux circuits de côte. Enfin, la présence de longue date de clubs d’automobilistes a contribué à dynamiser et populariser ce sport.
Des années 1930 aux années 1980, les archives de MIRA nous permettent de retracer et contextualiser quelques points de cette histoire dont le premier Circuit automobile international de vitesse de Strasbourg de 1947, l’épopée alsacienne du constructeur de voitures de sport Ettore Bugatti et les circuits de côte dans les Vosges.
Le 3 août 1947, la première édition du Circuit automobile international de vitesse de Strasbourg voit le jour. Présents dans le public, deux cinéastes de nos collections (fonds Steinmetz et Rieb) ont immortalisé le passage de la course au départ de la Route du Rhin dans le quartier du Neudorf.
Ce grand championnat de sports mécaniques est organisé par l’Automobile Club Alsace (ACA), la première association française de défense des automobilistes fondée à Strasbourg en 19001. Avec la tenue de cette course, l’association porte plusieurs ambitions puisqu'après avoir connu un fort dynamisme dans les années 1930, celle-ci ressort exsangue du second conflit mondial. Il s’agit donc de relancer l’activité et la promotion de l’automobile.
Mais au-delà de cet intérêt privé, l’initiative de l’ACA va contribuer de manière significative à la reconstruction des quartiers Sud de la ville détruits pendant la guerre. En effet, pour la préparation du Circuit, l’ACA amorce un important plan de rénovations de la voierie. Financé par les collectivités à hauteur de quatre millions de francs, il permet entre autres la remise en état des Routes du Rhin et du Polygone2.
De grands moyens sont également engagés dans les infrastructures, comprenant : « Postes de secours, hauts parleurs, installation pour une retransmission radiophonique, garages (parkings) […]3 » etc. Des dispositifs conséquents dont témoignent les deux séquences de nos collections.
Le film Circuit automobile international de vitesse de Strasbourg - Courses de motos et d’automobiles issu du fonds Steinmetz, en révèle certains détails comme une personne transportée sur une civière, des haut-parleurs fixés sur des troncs d'arbre et tout un réseau de fils électriques.
Enfin, dix-huit tribunes, encadrées de drapeaux français et parsemées de slogans publicitaires, sont installées pour pouvoir accueillir pas moins de quatre mille spectateurs4. Le public est bien au rendez-vous pour cet événement exceptionnel.
Inconnu, fonds Steinmetz © MIRA |
Inconnu, fonds Steinmetz © MIRA |
La présence de ces nombreux drapeaux français visibles dans le film, constitue un autre révélateur du contexte historique de la course. En effet, après le retour de l’Alsace à la France s’enclenche un mouvement de « refrancisation » du territoire et de ses habitants à travers des symboles nationaux et l’affirmation d’une « identité française »5. Mais la course devait aussi faire rayonner Strasbourg sur la scène internationale, une ambition couronnée de succès avec la venue de pilotes de renoms comme Jean-Pierre Wimille, l’un des meilleurs de son temps6.
Enfin, les deux films de nos collections révèlent la dimension sociologique de l’événement. Si le réalisateur du fonds Steinmetz filme depuis les tribunes assises, au milieu d’un public aisé, la séquence du film À travers les sports du fonds Rieb, rend compte quant à elle d’un public plus populaire, assistant debout au passage de la course. Un aspect qui révèle l’engouement de toutes les classes sociales pour cet événement7. Après les déchirements de la guerre, le Circuit automobile international de Strasbourg se voulait sans aucun doute pour ses organisateurs comme un moment fédérateur, vecteur d’unité sociale.
La présence du célèbre constructeur Bugatti au Circuit de Strasbourg nous permet de souligner un autre aspect de l’automobile alsacienne : son industrie. En effet, l’Alsace voit l’industrie automobile se développer dès le XIXe siècle en attirant sur son sol les plus grands constructeurs tels que Eugène de Dietrich, Emile Mathis et bien sûr Ettore Bugatti.
Pionnier de l’automobile en Alsace, Eugène de Dietrich implante ses usines à Luneville en 1897 et accompagne les débuts de ses deux successeurs Emile Mathis, qui s’installera à Strasbourg dans le quartier de la Meinau, et Ettore Bugatti qui lance sa production à Molsheim en 19098. Italien naturalisé Français, ce dernier se spécialise dans l’automobile de luxe et la voiture de sport avec laquelle il s’impose dans toutes les compétitions internationales et décroche de nombreux records. Un immense succès qui fait de Bugatti l’un des plus grands noms du sport automobile, un créateur de génie et un visionnaire.
Une aventure qui se heurte cependant aux bouleversements de l’histoire. Le krach boursier de 1929 met en effet l’entreprise en grande difficulté. Ettore Bugatti a alors l’idée de commercialiser une série d’autorails qui le sauvera de la faillite. Filmée en 1934, une archive issue des collections de MIRA nous permet de revenir sur ce moment charnière de l’épopée Bugatti.
En effet, proche de la famille, le cinéaste Paul Spindler assiste, et filme, l’inauguration de l’un de ces autorails en présence de Jean et Lydia Bugatti, enfants d’Ettore. Conçus à partir d’un prototype de moteur à essence, les autorails Bugatti sont alors les trains les plus rapides du monde, révolutionnant le transport ferroviaire français9. Les trains Bugatti vont rapidement mailler le territoire en assurant les liaisons entre toutes les grandes villes de France. Mais la Seconde Guerre mondiale met un nouveau coup d’arrêt à l’activité de Bugatti. Suite au conflit, l’autorail n’est plus en vogue et il est progressivement abandonné jusqu’à son retrait définitif dans les années 1950.
Malgré l’importance de l’autorail Bugatti dans l’histoire des transports, il ne subsiste aujourd’hui qu’un seul modèle conservé à la Cité du train de Mulhouse. Le film de Paul Spindler est donc d’autant plus précieux pour en préserver la mémoire.
La mort d’Ettore Bugatti en 1947 met un terme à la production d’automobiles mais pas à la renommée de son constructeur. Pensées comme des œuvres d’arts, les voitures Bugatti sont considérées comme des modèles uniques tant pour leur design que pour leur mécanique. Objets de luxe et de collections, elles sont présentées au public à l’occasion de salons ou de Rallye. Une postérité que raconte l’une de nos archives datant de 1970. Le cinéaste Paul-André Jacquel assiste en effet à un Rallye de voitures Bugatti. De la plus célèbre type 35 en passant par la 57 SC coupé Atlantic, tous les plus beaux modèles défilent devant la caméra du cinéaste.
Aujourd'hui, le Musée national de l’automobile de Mulhouse compte la plus grande collection de voitures Bugatti, tandis que la ville de Molsheim abrite toujours le siège social et une usine de production. Un ensemble qui raconte l’épopée industrielle de l’automobile en Alsace.
Modèle Bugatti Type 35, Paul-André Jacquel, fonds Jacquel-Hutin © MIRA |
Modèle Bugatti Type 57 SC coupé Atlantic, Paul-André Jacquel, fonds Jacquel-Hutin © MIRA |
En plus de ses célèbres constructeurs, l’Alsace est aussi une terre reconnue pour ses courses de côte. Cette discipline, remontant à la fin du XIXe siècle, se pratique dans toutes les régions montagneuses du continent européen. Dotée du massif des Vosges, l’Alsace accueille naturellement de nombreuses compétitions, dont deux épreuves du Championnat de France.
Spectaculaires, ces courses de vitesse attirent bien entendu le grand public et l’attention des cinéastes. MIRA compte ainsi dans ses collections plusieurs séquences immortalisant le passage des bolides sur les routes sinueuses du massif.
Dans les années 1980, Michel Marty filme ainsi le célèbre circuit Turckheim - Trois Épis dans le Haut-Rhin. Créée en 1956, cette course de côte est la plus ancienne du Championnat de France de la montagne. Elle est également intégrée depuis 1980 au Championnat d’Europe10.
Second circuit vosgien disputé lors du championnat français, la course Abreschviller - Saint-Quirin est filmée le 13 mai 1973 par le cinéaste Jacques Riedinger. Au bord de la route ou sur les hauteurs du massif, le cinéaste capte les montées et descentes impressionnantes des véhicules dans les lacets escarpés de la montagne.
Course de côte Turckheim - Trois Épis, Michel Marty, fonds Marty © MIRA |
Course de côte Abreschviller - Saint-Quirin, Jacques Riedinger, fonds Flatter © MIRA |
À côté des grandes compétitions se déroulent aussi de nombreuses courses régionales.
En 1965, c’est sur le circuit de Sewen que Bernard Hoffner capte les dérapages et accélérations des pilotes. Amateur de sport et de cinéma, Jean-Georges Fritz, nous laisse quant à lui des images d’une course de côte dans les environs de Wissembourg en 1967.
Ces deux séquences témoignent particulièrement de la popularité de ces événements sportifs. Debout, allongés dans l’herbe ou sur des chaises de jardin, le public est en nombre pour soutenir les concurrents et admirer les voitures de courses. Qu’ils soient nationaux ou régionaux, ces grands événements sportifs marquent la vie locale des alsaciens.
Course de côte de Sewen, Bernard Hoffner, fonds Hoffner © MIRA |
Course de côte de Wissembourg, Jean-Georges Fritz, fonds Fritz © MIRA |
1 - Vincent Sarbach, « À travers les sports : Le Circuit d'autos et de motos », Cinémathèque du Rhin supérieur, 05/01/2020 https://rhinedits.u-strasbg.fr/w/index.php/A_travers_les_sports_:_le_circuit_d%27autos_et_de_motos_(0129FH0003)
2 - Thierry Chargé, « 3 Août 1947 - Circuit international de vitesse de Strasbourg – Ep 1 Le contexte », Les24 heures.fr http://www.les24heures.fr/sportauto-alsace/2117-3-aout-1947-circuit-international-de-vitesse-de-strasbourg-ep-1-le-contexte
3 - Thierry Chargé, « 3 Août 1947 - Circuit international de vitesse de Strasbourg – Ep 2 Les aménagements », Les24 heures.fr http://www.les24heures.fr/sportauto-alsace/2118-3-aout-1947-circuit-international-de-vitesse-de-strasbourg-ep-2-les-amenagements
4 - Thierry Chargé, « 3 Août 1947 - Circuit international de vitesse de Strasbourg – Ep 2 Les aménagements », Les24 heures.fr http://www.les24heures.fr/sportauto-alsace/2118-3-aout-1947-circuit-international-de-vitesse-de-strasbourg-ep-2-les-amenagements
5 - Vincent Sarbach, « À travers les sports : Le Circuit d'autos et de motos », Cinémathèque du Rhin supérieur, 05/01/2020 https://rhinedits.u-strasbg.fr/w/index.php/A_travers_les_sports_:_le_circuit_d%27autos_et_de_motos_(0129FH0003)
6 - Thierry Chargé, « 3 Août 1947 - Circuit international de vitesse de Strasbourg – Ep 3 Le règlement », Les24 heures.fr http://www.les24heures.fr/sportauto-alsace/2119-3-aout-1947-circuit-international-de-vitesse-de-strasbourg-ep-3-le-reglement
7 - Vincent Sarbach, « À travers les sports : Le Circuit d'autos et de motos », Cinémathèque du Rhin supérieur, 05/01/2020 https://rhinedits.u-strasbg.fr/w/index.php/A_travers_les_sports_:_le_circuit_d%27autos_et_de_motos_(0129FH0003)
8 - A. G. « La belle histoire de l'automobile en Alsace », L'ami hebdo 03/09/2015 https://www.ami-hebdo.com/la-belle-histoire-de-lautomobile-en-alsace/
9 - « L'Autorail Bugatti ou l'histoire de la révolution du chemin de fer français » https://newsroom.bugatti.com/fr 26/04/2023 https://newsroom.bugatti.com/fr/communiques-de-presse/lautorail-bugatti-ou-lhistoire-de-la-revolution-du-chemin-de-fer-francais
10 - « Course de côte Turckheim - Trois-Épis », Wikipédia, https://fr.wikipedia.org/wiki/Course_de_c%C3%B4te_Turckheim_-_Trois-%C3%89pis
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