MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique
Disparu il y a un peu plus de 30 ans, le Dr Pierre Schmidt était sans conteste l’un des Riediens les plus marquants. Enfant il grandit dans le Bruch de l’Andlau, découvrira plus tard le Ried d’Erstein, le Ried d’Herbsheim et bien d’autres, sans oublier bien sûr la forêt du Rhin toute proche. Tous ces magnifiques milieux naturels l’imprégneront si intensément qu’il en deviendra la mémoire. Né le 13 mai 1912 à Strasbourg, il vécut d’abord à Blaesheim puis à Erstein où son père était vétérinaire. Il fit ses études de médecine à la faculté de Strasbourg. Plus tard le Dr Schmidt s’installa comme médecin dans la maison familiale. Homme hors du commun, unanimement respecté à Erstein et dans les villages voisins, il était un modèle de médecin de famille, le coeur gonflé d’une immense tendresse à l’égard de ses patients et plus encore envers les pauvres et les minorités comme les Yenish. Le Dr Schmidt était un amoureux des Rieds et des forêts du Rhin (voir films en lien : Wo D'r Illwald rüscht), dont la beauté allait l’émerveiller toute sa vie durant. Il se passionna pour leur faune, leur flore et il lui aura fallu des trésors de patience pour les fixer sur des kilomètres de pellicule de film 16mm ainsi que sur des milliers de négatifs photos. Il s’intéressa aussi aux habitants de ces milieux naturels, non seulement en filmant ou en photographiant quelques uns d’entre eux, mais également en les enregistrant sur des bandes sonores durant des heures, conservant ainsi de nombreux précieux témoignages sur leur mode de vie, leur savoir-faire et leurs traditions (voir films en lien : Le long des canaux du Ried).
Pêcheur tressant une nasse. Photographie docteur P. Schmidt |
Aussi savant que modeste, le Dr Schmidt était resté simple et c’était toujours un plaisir de l’écouter parler. Il avait le goût des mots justes pour décrire les gestes d’un pêcheur fabriquant une nasse, ou la beauté d’un vieux saule têtard près d’un ancien petit pont dans le Bruch de l’Andlau (voir Films en lien : Bruch de l'Andlau), ou encore le comportement d’un coucou dans un nid de rousserolles (voir Films en lien : Rousserolles au nid).
Petit pont dans le Bruch de l'Andlau. Photographie docteur P. Schmidt |
Coucou dans un nid de rousseroles. Photographie docteur P. Schmidt |
Son goût pour les bêtes libres et leurs milieux de vie lui a certes procuré beaucoup de grandes joies qu’il nous fera partager notamment à travers ses films et ses photos, mais derrière elles apparaissaient déjà de profonds chagrins... En effet, face aux destructions de plus en plus importantes des forêts du Rhin et des Rieds, le Dr Schmidt pouvait donner libre cours à des saintes colères, mais aussi laisser couler des larmes et à répéter vers la fin de sa vie son fameux « Tout est foutu ! ».
Si le Dr Schmidt a été heureux de savoir que les dernières forêts du Rhin avaient été sauvées in extremis, de voir le Sauerbrunnen dans le Ried d’Erstein et la Belle Source dans le Ried d’Herbsheim protégés et de pouvoir encore admirer les dernières prairies à iris de Sibérie et à glaïeuls palustres et genêts des teinturiers préser-vées (voir Films en lien : Belles images du Ried, Nature II), que dirait-il aujourd’hui des Rieds qui ont perdu les deux tiers de leurs surface et avec elles tout un cortège de plantes et d’animaux, comme le courlis cendré dont il n’existe plus que 14 couples en Alsace alors que l’on en comptait près de 250 dans les années 70.
Iris de Sibérie. Photographie docteur P. Schmidt |
Courlis cendré. Photographie docteur P. Schmidt |
Pourtant, la préservation de nos derniers Rieds est attendue par nombre de nos concitoyens et en particulier par les générations futures, car ils savent que les Rieds et le Bruch assurent des fonctions très importantes en protégeant à la fois nos ressources en eau, notre patrimoine naturel et notre paysage.
Pour cela il faudra permettre au monde rural de bâtir une agriculture à la fois viable et respectueuse des équilibres naturels et de mettre en place des mesures de conservation en partenariat avec les collectivités locales, l’Etat, le monde agricole et les associations de protection de la nature.
Au travers de sa vie le Dr Schmidt a toujours développé la pédagogie et le respect du vivant en restant fidèle à ces mots d’ordre : voir, comprendre, s’émerveiller, aimer, transmettre et protéger. Par ses actions en faveur de la nature et des hommes qui y vivent, le Dr Schmidt est l’un des artisans de cette forme d’humanisme que professait déjà le Dr Albert Schweitzer, et qui place l’homme devant ses responsabilités, non seulement envers lui-même mais aussi envers toutes les autres formes de vie.
En cette période angoissante sur les conséquences du réchauffement climatique et de l’effondrement de la biodiversité et en ces moments d’agitation concernant l’identité alsacienne, il est grand temps d’entendre la voix du Dr Schmidt nous dire : « Ohne Ried gibs ke Elsass meh ! ».
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Ce texte a été initialement publié dans la Revue des Amis du Jardin botanique de Saverne, 2021.
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