Par Lucie Fouble

Le carnaval mulhousien

Défilé de chars décorés, déguisements de toutes sortes, fanfares, bals, fêtes, confettis… Si le carnaval trouve ses prémices durant l’Antiquité[1], les premières manifestations de telles festivités dans la vallée du Rhin remontent à l’époque médiévale. Considéré comme la « cinquième saison de l’année », le carnaval est une période de festivités, de liberté et de légèreté où les rôles s’inversent et au cours de laquelle les contraintes sociales se suspendent pour quelques jours. Bien que l’amusement soit au cœur de cette fête, le carnaval marque également la fin de l’hiver, chassé par les carnavaleux.

Parmi les plus connus, le carnaval de Venise, le carnaval de Rio ou encore le carnaval de Dunkerque. Pourtant, celui de Mulhouse a gagné ses lettres de noblesse, notamment en Alsace. Grâce à trois films amateurs déposés par Raymond Sieffert à l’association MIRA, des images du carnaval de Mulhouse datant de 1984 environ sont conservées aujourd’hui dans les collections. Hasard ou ironie, Raymond Sieffert capte, dans ses trois films, des images du carnaval mulhousien traversant la rue du Sauvage ! Quoiqu’il en soit, ce carnaval est considéré comme une institution dans la région et il s’agit de l’un des évènements les plus attendus de l’année. La foule particulièrement importante et enjouée dans les films de Raymond Sieffert témoigne de la popularité du carnaval de Mulhouse.

Si les premières mentions du carnaval apparaissent dans les journaux locaux et régionaux dès les années 1860, il perd de son attractivité en raison des conflits mondiaux du XXème siècle. Ce n’est qu’en 1953 qu’il est remis sur pied. En effet, à l’initiative d’associations locales à la recherche de financements face à l’étroitesse du budget municipal, le carnaval de Mulhouse est relancé. Les chars sont confectionnés par les associations qui participent au défilé du carnaval, des costumes sont prêtés par le théâtre municipal et tous les bénéfices sont reversés aux associations qui y participent.

Dans le film, « Carnaval de Mulhouse », Raymond Sieffert s’arrêtent sur des chars à visée satirique, en résonance avec l’actualité des temps présents. En pleine Guerre Froide, c’est ainsi qu’un char, surmonté de missiles de part et d’autre, défile en lien avec la crise des Euromissiles entamée depuis 1977.

 

Fonds Sieffert © MIRA

 

On peut également noter la présence de visages à l’effigies de personnalités politiques jouant un rôle d’envergure dans ce conflit idéologique. D’autres chars, à destination des enfants, se dressent. L’un d’eux défile sur le thème du film de Steven Spielberg, E.T l’extraterrestre ou encore Lucky Lucke. La firme transnationale McDonald’s a elle aussi un char qui la représente lors de ce carnaval de Mulhouse.

 

Fonds Sieffert © MIRA

 

Fonds Sieffert © MIRA

 

Fonds Sieffert © MIRA

 

En 1964, les premières troupes de majorettes rejoignent les festivités. 20 ans plus tard, les films de Sieffert témoignent encore de leur participation. Les différentes troupes de majorettes qui défilent sont accompagnées par des fanfares jouant de la Guggamusik, des classiques alsaciens ou des musiques plus récentes jouées par les fanfares carnavalesques. Nombreuses, on joue du tambour, du tuba ou encore du trombone. En matière de traditions culinaires, on cuisine des Schankalas ou Schenkeles, des beignets typiques alsaciens nature, à la confiture ou bien au chocolat.

 

Fonds Sieffert © MIRA

 

Dans « Carnaval à Mulhouse et enfants jouant au ballon à Wattwiller » , un personnage-type du carnaval de Mulhouse se distingue parmi les carnavaleux : les Mülhüser Waggis. Traduit par « garnements de Mulhouse », le Waggis renvoie originellement à un maraîcher alsacien qui vendait ses produits sur le marché de Bâle. Cependant, ne pouvant pas ramener l’argent en France, il dépensait tout sur place. Personnage le plus connu et reconnu dans le carnaval par le grand public, il est typique du carnaval de Mulhouse. Plus encore, il est l’incarnation même du carnaval de Mulhouse ailleurs, en France et en Europe. Historiquement parlant, les Mülhüser Waggis naissent dans les années 1970. Au départ, ils se nomment les Waggis de la Doller.

Néanmoins, en 1983, ils optent pour un nouveau nom, les Waggis de Mulhouse. Ainsi, dans le film de Raymond Sieffert, ils sont aisément reconnaissables. Vêtus de jaune et de rouge ainsi que d’une perruque de clown jaune, ils défilent dans les rues sur leur char, avec leur nouveau nom affiché, et surprennent le public avec un grand marteau en mousse. L’association perd son souffle dans les années 1990 mais renaît au début des années 2000 si bien que, depuis, ils participent à d’autres carnavals en France ainsi qu’à des festivals de masques dans le monde entier, comme à Monaco et en Slovénie.

 

Fonds Sieffert © MIRA

 

Outre ces garnements de Mulhouse, on retrouve des déguisements divers et variés : princesses, masques de Venise, costumes d’Arlequin, de clown, etc. L’Alsace y retrouve par ailleurs une place avec ses moulins et le char qui lui est consacré. Les trois films amateurs de Raymond Sieffert rendent compte de la singularité du carnaval de Mulhouse, faisant sa renommée, tout en l’inscrivant dans la tradition carnavalesque bien connue de tous.

 

BIBLIOGRAPHIE :

OLIVIER Henri, Aux sources du Carnaval. Légendes carnavalesques européennes, éditions Coprur, 2005.

SOURCES :

« Le Carnaval de Mulhouse – Un peu d’histoire », Carnaval de Mulhouse – Un peu d’histoire – Carnaval de Mulhouse (carnaval-mulhouse.com), consulté le 11/05/2023.

Mulhouse Alsace, Tourisme et Congrès,  Carnaval de Mulhouse | mulhouse-tourisme (tourisme-mulhouse.com), consulté le 11/05/2023.

 

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[1] Selon l’historien Gilles Bertrand, les Lupercales, célébrations se déroulant au cours de la mi-février dans la Rome Antique, peuvent être considérées comme les prémices du carnaval. En 2000 avant J-C, les Mésopotamiens réalisaient des rites d’inversion du quotidien et des rôles lors des « Sacées ».