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      • La pratique du portrait dans le cinéma privé

      • Par Ondine Duché
      • La pratique du portrait dans le cinéma privé
        • Charles Seewald, fonds Heller © MIRA

      • L’apparition du cinéma amateur à partir de 1924 s’inscrit dans la lignée de la pratique photographique privée permettant aux particuliers d’enregistrer leurs proches. Néanmoins, la possibilité de capter le mouvement grâce à la caméra introduit de nouvelles manières d'interagir et de se représenter.

        A l’aube du cinéma privé : une nouvelle culture visuelle

        Toutefois, au début du cinéma amateur, certaines personnes filmées, et peu habituées, se présentent de manière statique et contenue face à l’opérateur·ice, renvoyant à la pose photographique.

        Importation des codes du portrait photographique

        Ralph Laclôtre, fonds Laclôtre  (1928) © MIRA

        Dans une séquence de 1928, tournée dans le village de Glozel par Ralph Laclôtre, la famille Fradin pose pour l’opérateur (voir Premier film à Vichy - Critérium Paris-Nice - Visite de Glozel...[0298FN0001]). Se présentant individuellement puis en groupe, un certain inconfort des paysan·nes face à la caméra est perceptible. Lorsque la famille pose ensemble, les quatre membres se tiennent figés, mais dignes, face à l’opérateur, comme pour être photographié·es.

        Influences du cinéma muet

        Fonds Daussin (1925 environ) © MIRA

        Dans les milieux aisés, la pratique filmique est plus accessible économiquement et donc plus familière comme ici dans le Premier film [0093FN0001] du milieu des années 1920 de Paul Muller, premier habitant de Molsheim à se munir d’une caméra. Pour autant, la prise de vue n’est pas un moment anodin, mais plutôt une activité récréative à part entière. Les films du milieu des années 1920 et du début des années 1930 sont remplis de portraits de groupes et de mises en scène collectives comiques : on se chamaille, on s’embrasse, on se joue des tours, on tire des mines exagérées, on danse, etc.

        Fonds Ville de Turckheim (1927) © MIRA

        L’écart est saisissant entre l’attitude des paysan·nes et celles des sujets de ce film de 1927, réalisé par Robert Schwindenhammer, industriel papetier de Turckheim, en compagnie de ses proches (voir Amusement entre adultes [0290FN0002]), ici chaque scène semble articulée autour d’une action : par petits groupes, les membres de la famille et les ami·es défilent, s’approchent à pas vifs de la caméra en discutant et plaisantant, ou encore effectuant de joyeux pas de danse. Même les discussions animées entre les membres du groupe prennent des allures de saynètes. Les attitudes ne sont pas naturelles, mais très exagérées : cette gestuelle et cette expressivité sont certainement inspirées des codes du cinéma muet.

        En effet, dans le cinéma muet  les acteur·ices adoptent une gestuelle et des expressions très démonstratives, voire exagérées, pour que le déroulement de l’histoire soit saisi pleinement par le public. Ces attitudes semblent reprises par les individus filmés lorsqu’ils se trouvent face à une caméra. Ainsi, au début du cinéma amateur et jusqu’à la fin des années 1930, une part importante des situations filmées semblent mises en scène et les sujets performants pour l’opérateur·ice.

        Divergences et assimilation des références culturelles

        Cette grande différence entre les attitudes des deux groupes marque la divergence des références culturelles entre les classes sociales, si l’on considère qu’à cette période, les travailleur·euses de la terre vont probablement moins souvent au cinéma que les gens aisés. 

        Mais la solennité de la famille Fradin est certainement aussi due au fait que l’opérateur est un étranger pour cette famille. Les Fradin se présentent  donc devant la caméra pour un « portrait public » selon les  conventions de l’époque appelant à une certaine tenue et distance.  

        Au contraire, le film de Robert Schwindenhammer est tourné dans un cadre privé convivial : l’opérateur est connu de tous les participant·es. Les attitudes des personnes filmées sont alors tout à fait différentes. Cette proximité avec le cinéaste permet ainsi à ses proches de se laisser aller et de s'amuser devant la caméra.

        Fonds Ville de Turckheim (1932) © MIRA

        Malgré cette plus grande aisance face à la caméra dans les familles aisées, tous et toutes ne sont pas toujours à l’aise avec cet exercice de performance.

        Dans un second film de 1932 de Robert Schwindenhammer (Jeux devant la caméra [0290FN0011]), on découvre une jeune femme réticente et mal à l’aise à se prêter à ce jeu cinématographique, auxquels ses proches l’encouragent. Sans doute préfère-t-elle que la caméra enregistre une image flatteuse de sa personne plutôt que de s’adonner à la performance exubérante et légèrement ridicule que le groupe lui propose. 

        Cette séquence rappelle ainsi que la valorisation de soi et le contrôle de son image demeurent une dimension importante du portrait. 

        Hormis ces pratiques récréatives très démonstratives, Paul Muller réalise de très beaux portraits intimes de ses proches, semblant à l’aise face à la caméra, mais manifestant une certaine retenue, non pas de l’ordre de la timidité, mais de la convention sociale (voir Sixième film, 0093FN0006).

        Fonds Lehmann (environ 1925) © MIRA

        Toutes ces dimensions montrent donc une forme d’hybridité dans la représentation de soi : entre références culturelles (le cinéma muet) et conventions sociales partagées ou assimilées par les sujets filmés.     

        C’est ce qu’illustre merveilleusement une séquence des années 1920 de la collection Lehmann (voir Moment en famille sur une péniche [0113FN0003]). Les membres d’une famille aisée défilent pour l’opérateur : enfants et parents rient, saluent, dansent et s’agitent face à la caméra immobile, certainement fixée sur un pied. 

        Lorsque le tour des grands-parents arrive, le premier réflexe de ceux-ci est de se présenter statique, les bras le long du corps, comme pour une photographie. Certainement à l’invitation de l’opérateur, le couple se met à bouger et s’en amuse, adoptant une gestuelle maladroite. 

        À première vue, l’attitude choisie par le grand-père, plaçant puis agitant ses deux mains sous ses aisselles, peut sembler étrange. Mais il s’avère que l’on peut repérer une gestuelle partiellement similaire dans le film de Robert Schwindenhammer de 1927, Amusement entre adultes [0290FN0002] : un homme place ses pouces derrière les revers de sa veste de costume et parade les mains écartées. Vraisemblablement, dans le film Lehmann, le grand-père adopte, avec malice, une pose flatteuse réservée aux hommes. Bien qu’il se soit présenté dans un premier temps comme pour une photographie, ce geste indique l’intégration partielle et/ou parodique des codes et des références propres au cinéma.

         

         
        à droite Fonds Lehmann © MIRA (1925 environ) ; à gauche Fonds Ville de Turckheim © MIRA (1927)

        Vers une présentation de soi plus naturelle

        À travers ces éléments, il apparaît que les premières décennies de la pratique du cinéma amateur sont déterminées en grande partie par la pose, la mise en scène et la performance des sujets pour la caméra. Ces caractéristiques s’atténuent peu à peu avec la diffusion de la pratique filmique pour tendre vers une attitude plus naturelle des personnes et une attention accrue aux scènes capturées sur le vif. Le film de mise en scène devient quant à lui une pratique créative marginale. 

        On peut faire l’hypothèse que la diffusion de plus en plus massive du cinéma amateur,  participe à ce que la prise de vue devienne une activité plus anodine. La disparition des premiers gestes et attitudes face à la caméra marque à la fois un changement dans les mœurs, mais aussi une familiarisation avec le fait d’être filmé.

        Démocratisation progressive de l’accès au loisir du cinéma amateur

        La baisse du prix de la pellicule est certainement un autre facteur de ces changements. Avec la commercialisation en 1933 en France du format 8 mm, beaucoup moins coûteux, le loisir se démocratise Dans les années 1965, l’apparition du format Kodak Super 8, plus économique encore, parachève la démocratisation du cinéma amateur, 

        Par ailleurs l’avènement du cinéma parlant à partir de 1926 participe sans doute à diffuser de nouveaux codes culturels vers une présentation de soi plus naturelle. La dimension performative des portraits est de moins en moins présente dans les films privés et les attitudes des sujets tendent vers une expressivité plus naturelle et décontractée.

        Une mise en scène de soi plus naturelle

        Jean Albert, fonds Albert (1959) © MIRA

        Une magnifique séquence d'autoportrait d’un jeune couple à la fin des années 1950 illustre à merveille le changement d’attitude vis-à-vis de la caméra. Le jeune marié installe et lance l’enregistrement avant de se placer aux côtés de sa compagne sur une jetée. Après avoir échangé quelques gestes tendres, il et elle se tournent vers l’horizon, avant de s’avancer et de disparaître hors-champ. 

        Si l’on ne voyait pas le jeune homme arriver, on pourrait presque croire à une séquence capturée à leur insu. Le fait qu’il s’agisse d’un autoportrait favorise probablement le naturel et la complicité du couple à l’image qui ne se sent pas épié par la présence d’un tiers. En comparaison aux couples des années 1920-1930 paradant devant à la caméra, la différence est frappante. 

        Il faut de plus relever que dans cet autoportrait, les jeunes gens se mettent en scène, ont choisi le cadre et se sont mis d’accord sur les quelques actions réalisées dans le champ. Ce détachement vis-à-vis de la caméra est donc performé par le couple, qui n’ignore en rien de la présence de l’appareil.

        Le maintien des portraits posés comme conventions sociales et rituels

         

         
         Fonds Angst (1987) © MIRA / Fonds Duvernois (1958) © MIRA / Fonds Schaefle (1971) © MIRA

        Malgré cette approche plus naturelle de la prise de vue, les portraits posés, individuels ou à plusieurs, ne disparaissent pas totalement. En effet, le cinéma privé documente les moments importants de la vie des individus. Dans ce cadre, le portrait posé permet de souligner le caractère exceptionnel de ces évènements : ce sont les petits enfants au pied du sapin de Noël qui posent avec leurs nouveaux jouets, ou devant un gâteau d’anniversaire, mais aussi le groupe familial réuni à la sortie de l’église, après la cérémonie de communion ou d’un baptême.

        Ces portraits de groupe presque statiques rappellent, de nouveau, l’acte photographique. Ici c’est la fonction mémorielle et symbolique du portrait qui prime et réaffirme la puissance du cinéma comme consécration du moment partagé collectivement.

        Permanences de la présence de la caméra

         

         

        Fonds Fehr, 1970 environ / Fonds Schaefle, 1971 / Fonds Gill, 1974

        Alors que la diffusion de ce loisir va croissante, à mesure de l’augmentation de l’accessibilité du matériel et que de plus en plus de personnes sont accoutumées au fait d’être filmées, la banalisation de la présence de la caméra ne semble néanmoins jamais totale. Malgré la banalisation de la présence de la caméra, celle-ci n e disparaît jamais totalement.  Une présence souvent relevée par une personne dans la foule, qui lance une œillade à l’opérateur·ice, qui la salue ou qui pointe celle ou celui qui filme du doigt. Remarquer que l’on est filmé suscite toujours des réactions, souvent joyeuses, occasionnant des effusions de tendresse ou de complicité, dans lesquelles l’opérateur·ice peut être inclus·e, comme lorsqu’on trinque à sa santé. On continue aussi de s’amuser d’être filmé : on en profite pour se donner en spectacle et à se tourner en ridicule pour amuser la galerie.

        Mais cet acte provoque aussi des gestes de refus manifestes ou des stratégies d’évitement, comme le fait de se cacher le visage, de se détourner, de sortir du champ, de s’approcher au plus près de la caméra, etc. Cette présence toujours manifeste de la caméra indique nécessairement celle du ou de la filmeur·euse qui n’est donc jamais complètement extérieur à la scène enregistrée. Paradoxalement, ce sont aussi toutes ces marques de l’interaction du · de la cinéaste avec son environnement direct qui confèrent au film amateur, à un niveau plus émotionnel, un « effet de réel » saisissant. Les regards, les gestes, destinés à l’opérateur·ice nous parviennent comme s’ils nous étaient adressés directement et produisent une impression de réel, un effet de présence singulier du passé, qui peut nous saisir.

         

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        Bibliographie :

        Pierre Bourdieu, Un art moyen, Paris, Editions de Minuit, 1965.

        Odile Gozillon-Fronsacq, Le cinéma amateur : les formats de pellicule, en ligne, sur le site miralsace.eu, 2020.

        André Gunthert, Pourquoi sourit-on en photographie?, Lyon, France, Éditions Deux-Cent-Cinq, 2023.


        [1] Anonyme, La Poste, 30 décembre 1895

        [2] Roger Odin, Le film de famille : usage privé, usage public, Paris, Méridiens Klincksieck, 1995, 235 p.

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