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MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique

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      • La Naissance de La Marseillaise, images d'une francophilie alsacienne

      • Par Odile Gozillon-Fronsacq
      • En accompagnement de l’exposition organisée au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg sur le thème de La Marseillaise, un film rare y est projeté en janvier 2022 : La Naissance de la Marseillaise. Sélectionné par Georges Heck (Le Lieu documentaire, Strasbourg) numérisé par le CNC Archives Françaises du Film, (Béatrice de Pastre, Jean-Baptiste Garnero), il est présenté par Odile Gozillon-Fronsacq (historienne, co-fondatrice de MIRA, Cinémathèque régionale numérique).


          Vincent CRISTELLYS, La Naissance de La Marseillaise, 1935, Affiche pour le film de Jacques Séverac produit par Alsace-Films
        © Coll. Musée de la Révolution française – Domaine de Vizille – Droits réservés

        Tourné en 1935, ce film réalisé par Jacques Séverac sort sur les écrans en 1936. Son intérêt historique est considérable : c'est un document sur l'histoire des idées, des représentations, sur la façon de penser le monde en un endroit donné (l'Alsace), à un moment donné : la fin des années 30. 

        Quel rapport avec l'Alsace ? 

        Bien-sûr, on connait l'historique de la naissance du Chant de guerre pour l'Armée du Rhin chanté chez le Maire de Strasbourg, de Dietrich, en 1792, et le tableau de Pils commémorant l'événement. Mais en ce qui concerne le film lui-même, quels sont ses liens avec la région ?


        Isidore PILS, Rouget de Lisle chantant la Marseillaise pour la première fois, 1849. Huile sur toile.
        Dépôt du Musée du Louvre à la Préfecture du Bas-Rhin, puis au Musée historique de Strasbourg en 1929. Photo : M. Bertola, Musées de Strasbourg

        Ni les acteurs, ni le metteur en scène, ni les costumes : les comédiens viennent de Paris (sauf les figurants, et un personnage d’aubergiste issu du Théâtre Alsacien de Strasbourg, Adolphe Horsch), le réalisateur aussi. Les costumes sont ceux imaginés à Paris : le peuple des Patriotes alsaciens serait alors vêtu de pantalons rayés (sans-culottes) et de bonnets phrygiens. Mais la production est alsacienne (Alsace Film), et le décor est régional : le film est tourné à Strasbourg, on y voit la cathédrale, la Petite France, et dans des villages alsaciens (maisons à colombages).


        Tournage de La Naissance de la Marseillaise, " Le Cinéma d'Alsace et de Lorraine ", octobre 1935

        Et surtout, le scénariste est un des pionniers du cinéma en Alsace, Charles Hahn (1864-1941), défenseur infatigable de ses deux passions : le cinéma d’une part, la France d’autre part. On a vu ailleurs son rôle fondamental dans la naissance du cinéma. On essaiera ici de comprendre pourquoi cet homme a porté le projet de ce film pendant quinze ans, avec un message clair : la France est l’admirable patrie de la Liberté, qu’il faut défendre au péril même de sa vie. Le cinéma sera son instrument de son combat.

        Une francophilie alsacienne

        Aujourd’hui, alors que La Marseillaise est abondamment critiquée pour ses paroles sanglantes, comment comprendre ce patriotisme virulent ? 

        Il faut se rappeler que Charles Hahn est d’une génération née française : il voit le jour en 1864 à Strasbourg. Il était donc assez grand pour comprendre l’horreur de la guerre de 1870 et la violence du siège de Strasbourg par les Prussiens. Une de ses lettres [1] raconte combien ces souvenirs l’ont marqué à vie :

        « La mémoire humaine reste parfois fidèle à des impressions de la plus tendre enfance (…). J’avais six ans au moment de la guerre de 1870, mais les évènements que j’ai vus et vécus me restent à l’esprit comme s’ils s’étaient passés hier. (…) 

        Un dimanche après-midi, papa nous conduisit  hors la « porte des Juifs » et nous fit voir le campement des Turcos[2], on leur offrait du tabac et des cigarettes ; ces troupes étaient de passage et se dirigeaient vers Woerth ; quelque temps après, le matin je vis arriver toute une file de voitures à foin ; il y avait de la paille dans les voitures et des soldats étaient couchés sur cette paille ; des gouttes de sang ruisselaient au-dessous des voitures sur le pavé de la rue : c’étaient des blessés que l’on conduisait à la synagogue transformée en ambulance [3]».


        Georges Emile SCHWEITZER (1837 -1903) (Dessinateur), C. BARNEWITZ (Lithographe), A. SCHNEIDER (Editeur), 
        Le bombardement de Strasbourg, Lithographie en couleur, vers 1880


        Les Turcos, tirailleurs algériens venus se battre pour défendre l'Alsace en 1870
        Par PELLERIN Charles - travail personnel, domaine public :  https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=9397170 

        Dès lors, pour Charles Hahn, la Prusse devient l’ennemi, et la France sa patrie. Il n’a pas fini de souffrir des « Prussiens », comme il continue à les appeler.

        Au début du XXe siècle, il s’oppose aux autorités allemandes qui veulent limiter l’implantation de cinémas à Strasbourg. Lors de la Première Guerre mondiale, ses trois fils sont mobilisés dans l’armée allemande. L’un d’eux y meurt à 20 ans, en 1915. Lui-même est exilé à Munich. 


        Charles Hahn, sa femme et ses enfants. Les trois garçons, Charles, Georges et Émile sont mobilisés dans l'armée allemande (collection privée). 

        Entre les deux guerres il va travailler à répandre la culture française par le cinéma.

        Le cinéma au service du patriotisme français

        Dès la victoire française de novembre 1918, son cinéma est rebaptisé Cinéma Kléber, comme la place où il est implanté. Il y projette dès décembre 1918 La Rentrée glorieuse des troupes françaises à Strasbourg, qu’il a lui-même filmée (en partie du moins), et L’Impossible pardon, film de propagande française montrant par une fiction sentimentale que l’Alsace a été trahie par les Prussiens et ne pourra jamais leur pardonner leur domination.

            
        Programmation du Cinéma Kléber en décembre 1918 (Dernières nouvelles d'Alsace) 
        Affiche de L'impossible pardon, Imperial War Museum

        Dans les années vingt, il fonde le Cinéma Rural d’Alsace et de Lorraine, en collaboration avec Pathé (autre Alsacien d’origine, et patriote comme lui). Il organise ainsi la diffusion de films français en Alsace, dans les communes dépourvues de cinéma. Avec un projecteur 17.5,  il fait connaître aux Alsaciens des campagnes et des petites villes tout le répertoire Pathé : dans les auberges, les écoles, les paroisses, on transmet ainsi la culture française. Les images sont françaises, et des commentaires en direct, le plus souvent en alsacien, accompagnent ces films muets.


        Publicité bilingue pour le Pathé Rural (collection privée) 

        Il veut aussi faire des films. C’est ainsi qu’il organise en 1921 un ingénieux système de financement privé (on parlerait aujourd’hui de crowdfunding) pour tourner Rouget de Lisle et la Marseillaise. Ce projet ne semble pas aboutir, mais il ne l’abandonne pas. Il est repris en 1935. Il a trouvé un financeur : Feist, le propriétaire du cinéma CBK[3], dont son fils vient d’être nommé gérant en 1934. Le cinéma étant devenu parlant, il écrit le scénario du film.

        Le film sort en 1936. Mais le nom de Hahn a été oublié au générique. Il se trouve qu’en 1936, Charles Hahn fils est mort soudainement, et sa veuve et ses enfants sont brutalement expulsés du logement qu’ils avaient au-dessus du cinéma. On peut imaginer que les relations entre Charles Hahn père et Feist se sont sérieusement envenimées. Ceci explique sans doute cela.

        Et après ?

        Charles Hahn a continué à élaborer des projets de films, mais cette fois pour défendre la paix[4]. Il rejoint les productions de la fin des années 30 en Alsace : Liberté (1937, Jean Kemm), qui raconte la naissance en 1886 de la Statue de la Liberté de Bartholdi, symbole de liberté pour tous les peuples, - et de la volonté de libérer l’Alsace de la domination prussienne. Ou encore Paix sur le Rhin (1938, Jean Choux), qui dénonce les drames de la guerre au sein d’une famille alsacienne.

        Il semble qu’en Alsace on ait senti plus fort qu’ailleurs les menaces de guerre liées à la montée du nazisme outre-Rhin, et la nécessité d’y résister. Charles Hahn incarne cet esprit de résistance. Il sent la patrie en danger, et la liberté en danger. En 1939, à 75 ans, il veut s’engager comme volontaire dans l’armée française ! 

        L’Alsace étant annexée par l’Allemagne nazie, il est expulsé d’Alsace en 1940, sa maison est confisquée et ses films ont disparu. Il meurt à Avignon en 1941.

        Ainsi ce film permet de retrouver l’importance des valeurs proclamées par La Marseillaise, et de mieux les comprendre : un patriotisme intimement lié à un esprit de résistance à tout ce qui menace la liberté, à un moment où tout est sur le point de sombrer dans la violence et la dictature[5]. La famille Hahn continuera ce combat : alors que son cousin Georges meurt en Russie sous l’uniforme allemand des Malgré-Nous, Charles Hahn, petit-fils du pionnier du cinéma, s’engagera dans la Résistance. 


        Au premier plan, Charles Hahn petit-fils du pionnier du cinéma. Il pose avec son frère et sa soeur devant le cinéma CBK à Strasbourg en 1936.
        Il s'engagera dans la Résistance lors de la 2nde Guerre Mondiale. 

         

        [1] Lettre « En exil, à Munich en 1916, à mes Enfants et à mes Amis », collection privée.

        [2] On appelait « Turcos » les tirailleurs algériens, unités d'infanterie appartenant à l'Armée d'Afrique qui dépendait de l'armée de terre française. Ces unités à recrutement majoritairement indigène (70-90 % selon les époques) venues d'Algérie française ont existé de 1842 à 1964. (source : Wikipédia, article « Turcos »).

        [3] Ciné-Brasserie de la Krutenau, dans un quartier populaire de Strasbourg. Le lieu proposait, comme son nom l’indique, à la fois des images et des consommations. Un billet d’entrée donnait droit à une bière ou un café, et le système a très bien marché (sources familiales).

        [4] Il fonde une société qu’il appelle « Peace Pictures Production » et écrit le scénario d’un film pacifiste : « Maudite soit la guerre », titre emprunté à un film d’Alfred Machin (1913).

        [5] Ce sujet brûlant sera repris avec brio par Jean Renoir peu après (La Marseillaise, 1938). Les deux films parlent autant du péril de la fin des années 30 que celui de 1792, quand la tyrannie menace d’anéantir tous les espoirs de liberté.

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