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MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique

Parcours thématiques
      • André Muller, incorporé de force dans la Wehrmacht

      • En 2017, Eve Daussin dépose à MIRA plus d'une centaine de films tournés sur plusieurs décennies. Une histoire de famille multigénérationnelle fixée sur pellicule par son mari, son père et son grand-père, Paul Muller. Médecin à Molsheim, ce dernier a filmé ses enfants grandir à partir de 1924. Régulièrement, dans les portraits tournés dans le jardin familial et dans les fêtes de famille, son fils André se distingue par sa jovialité. Mais il est incorporé de force dans la Wehrmacht en janvier 1943. Après le printemps 1944, André n'apparaît plus sur les films : il disparaît sur le front de l'Est, alors qu'il n'avait que 22 ans. 

        Une partie du parcours d'André Muller dans l'armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale est comparable à celui de milliers d'autres Alsaciens et Mosellans, enrôlés malgré eux et qui pour beaucoup, sont tombés dans l'oubli. 

        Un parcours thématique réalisé par Marion Brun, documentaliste audiovisuelle.
        Note : Cet article peut contenir des inexactitudes concernant la localisation du disparu et son appartenance à certaines divisions, les recherches étant toujours en cours.
      • André Muller, incorporé de force dans la Wehrmacht
        • André Muller © Familles Muller
      • La famille d'André Muller a pris soin de préserver tous les documents relatifs à son parcours dans l'armée allemande et à sa disparition. Ainsi, au-delà des films, la vie d'André est remarquablement bien documentée. Comme son père Paul, André était un homme d'images : il a gardé une centaine de photographies exceptionnelles qu'il a prises ou sur lesquelles il apparaît pendant son service de travail du Reich (RAD), entre 1941 et 1942. Les documents officiels émis par l’armée allemande ont été soigneusement conservés par sa famille, ainsi que quelques lettres qu'il a reçues et envoyées du front. Ces écrits nous livrent des informations précieuses quant aux différentes unités qu'a intégrées le jeune homme. Associé à la volonté familiale de retrouver la trace d'André Muller, cet ensemble hétérogène de sources permet d'expliquer le parcours d'André Muller pendant la Seconde Guerre mondiale, et a fortiori de comprendre quel pouvait être le sort des jeunes incorporés de force dans la Wehrmacht.

        Portrait d'André Muller © Famille Muller

         

        L'annexion de l'Alsace et de la Moselle

        En mai 1940, sortant du statu quo de la Drôle de Guerre, l'armée allemande attaque et envahit l’Alsace village après village, ne rencontrant que peu de résistance après le repli des troupes françaises. L’armistice de Rethondes du 22 juin 1940 est signé afin de faire cesser les hostilités, mais il ne prévoit aucune clause concernant l’Alsace ou la Moselle occupées. Cela aboutit quelques semaines plus tard à leur annexion de facto. L’Alsace est ainsi intégrée au Gau Oberrhein avec le Pays de Bade et administrée par le chef de l’administration civile, le Gauleiter Robert Wagner qui a quasiment les pleins pouvoirs.

        Il ne tarde pas à mettre en place une administration allemande. Les lieux d’enseignement tombent sous contrôle nazi et sont adaptés au système éducatif allemand. La Reichsuniversität est ainsi mise en place à Strasbourg en novembre 1941: André Muller y continue ses études de médecine pendant un temps. Entre autres interdictions, la langue française et le dialecte sont bannis. André Muller a pourtant continué d'écrire à ses proches en alsacien pendant quelques temps, ce qui causa leur inquiétude. Les noms des villes, villages, rues, places sont germanisées puis les prénoms et noms qui sont jugés trop français. Sur les papiers officiels délivrés par le IIIe Reich, André Muller devient Andreas Müller. 

         

        Extrait du livret d'étudiant au nom d'Andreas Müller de la Reichsuniversität. © Famille Muller

         

        Par ailleurs, très vite, de nombreuses entreprises alsaciennes passent sous contrôle allemand. C'est avec ce type de mesure que le IIIe Reich s’est imposé économiquement, socialement et politiquement en Alsace, dans l'objectif assumé de faire des habitants de ce territoire des Allemands appartenant pleinement au Reich.

        Les organisations paramilitaires comme outil de propagande

        Cette annexion administrative est accompagnée d’une tentative de nazification des habitants, notamment par l’imposition de l’idéologie nazie à travers une lutte acharnée contre l’influence française. La propagande est constante et se fait à tous les niveaux, comme en sont témoins les habitants de Molsheim du 20 octobre 1941, lors de l'impressionnant Kreistage de la ville,  noyée alors sous les drapeaux nazis. La mise au pas de la population passe aussi par son embrigadement via des organisations nazies. Dès septembre 1940, la Hitlerjungend (les Jeunesses hitlériennes) est mise en place sur le sol des territoires annexés. Unique mouvement de jeunesse alors autorisé, elle devient obligatoire en janvier 1942. Quant aux jeunes adultes de l'âge d'André, ils étaient « dirigés » vers d’autres organisations du parti comme notamment le NSDAP, (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei), le parti national-socialiste, la SS (Schutzstaffel) ou les organisations paramilitaires comme la SA, littéralement section d'assaut, et le NSKK (Nationalsozialistisches Kraftfahrkorps).

        Aussi, en octobre 1941, à 19 ans, André effectue une courte formation au vol à voile au sein du NSFK (Nationalsozialistisches Fliegerkorps). Cette organisation paramilitaire fut créée le 17 avril 1937 pour succéder à la Deutscher Luftsportverband (Association allemande des sports aériens), et permit à l'Allemagne d'entraîner ses pilotes en secret, après qu'elle fut interdite de posséder une armée de l'air par le Traité de Versailles. Le NSFK était alors divisé en 17 groupes, correspondant à des districts militaires. André Muller appartenait au groupe 16, dont le siège était situé à Strasbourg . Il fut ensuite appelé à faire son RAD (Reichsarbeitsdienst).

        Le RAD, prémices de l'enrôlement de force

         

        Une partie du camp de Breisach. A droite les baraquements. Photographie A. Muller. © Famille Muller

        Place de l'appel du RAD Breisach. Photographie A. Muller. © Famille Muller

         

        Le RAD, soit Service de travail du Reich, est une sorte de service militaire destiné aux femmes et hommes de 17 à 25 ans. Obligatoire pour les Allemands dès 1935, il consiste à former les jeunes gens dans un camp à des travaux manuels et à une instruction militaire. D’abord basé sur le volontariat en Alsace et Moselle, il devient obligatoire le 8 mai 1941 en Alsace devant le peu d’engouement de la population. Cette mesure déclenche de nombreux incidents. Les réfractaires et fuyards sont envoyés au camp de rééducation de Schirmeck, construit 1940. En même temps qu'il prépare les jeunes gens à intégrer la Wehrmacht, le RAD est le lieu où les Alsaciens et Mosellans reconnaissent leur appartenance à l’Allemagne nazie, puisqu’ils doivent publiquement y prêter serment. La discipline y est réputée être stricte et l’organisation hiérarchisée. Pendant la guerre, les appelés astreints au RAD effectuaient principalement des travaux de constructions militaires, souvent dans des zones rurales. Certains sont déjà envoyés sur le front afin d'édifier des ouvrages permettant le soutien et l'avancée des troupes1.

         

        Travaux de câblage de la région au RAD de Breisach. La croix bleu indique A. Muller. © Famille Muller

        Séance de cirage au RAD de Breisach. Photographie prise par A. Muller. © Famille Muller

                    

        André Muller n’échappe pas à la règle et doit quitter la Reichsuniversität pour effectuer, du 13 octobre 1941 au 28 mars 1942, son service de travail au RAD-Abteilung K 2/276. Il était basé à Breisach (Vieux-Brisach), où il a pris et rapporté de nombreux clichés exceptionnels qui donnent à voir quelques travaux effectués par les jeunes appelés mais également des moments de leur entraînement militaire. Il a pris soin d'annoter certains de ces clichés, ce qui en fait une source éclairante de son environnement et de son quotidien. Un emploi du temps conservé par la famille d'André Muller nous donne une idée d'une journée type dans sa division : réveil à 6h, appel et lever de drapeau, actualités politiques, travaux, nettoyage du camp...  

         

        Emploi du temps de la journée du 29 novembre 1941 au RAD de Breisach. © Famille Muller

           

        En principe, c'est après avoir effectué leur RAD que les jeunes hommes étaient envoyés dans la Wehrmacht. Mais lorsqu'André achève son service, l'incorporation de force n'est pas encore mise en place. Il est donc appelé à travailler quelques temps dans l'ancienne usine Bugatti de Molsheim, confisquée par les Allemands et utilisée par le fabriquant de voiture allemand Trippel, pour son service du travail obligatoire, en août 1942.

        L'incorporation de force

        Évidemment, les jeunes alsaciens avaient la possibilité d’intégrer volontairement la Wehrmacht : une première campagne de recrutement eut lieu en octobre 1941. Mais devant le peu de volontaires (environ 20002), les Gauleiter Wagner et Burckel décrètent l’incorporation de force des Alsaciens et Mosellans le 25 août 1942. Les réfractaires sont punis d’une peine de prison dans un premier temps, puis envoyés avec leur famille dans un des camps du Reich. Les fuyards sont abattus, internés dans le camp de rééducation de Schirmeck ou intégrés à la Waffen-SS. Les désertions augmentent au fil du temps, poussant l’administration allemande à interdire les permissions vers l’Alsace et la Moselle durant lesquels les incorporés pouvaient s'enfuir3. 100 000 Alsaciens furent incorporés malgré eux. Par la suite, ils se donnent le nom de « Malgré-Nous ».

        C'est le 18 janvier 1943 qu'André est incorporé de force dans la Wehrmacht, d'abord dans les services de santé de l'armée où il fut infirmier. Dans une de nos séquences (voir Films en liens : André incorporé de force), on le voit posant dans un uniforme, embrassant sa soeur et sa mère certainement lors d'une permission durant l'été 1943. Selon le fonds documentaire allemand de la Seconde Guerre mondiale (WASt) qui nous donne des informations sur sa plaque d'identité, on apprend qu'il avait intégré une unité de pilotage de la Luftwaffe. Il appartenait au Flieger-Regiment 32, plus particulièrement au régiment Kapuste, escadron d'aviateurs commandé par le général major du même nom. Sa finalité est d'instruire pendant 6 à 12 mois les recrues de la Luftwaffe, plus spécifiquement des bataillons de soutien de l'armée de l'air. En octobre 1943 et pendant l'année 1944, le régiment est basé à Rochefort, où André Muller passe toute ou partie de sa formation, comme le révèlent un certain nombre de laisser-passer à son nom.

         

        Ordre d'incorporation de force d'André Muller dans l'armée allemande. © Famille Muller

                

        Le front de l'Est

        Au départ, l’OberKommando de la Wehrmacht est suspicieux envers les incorporés de force et doute de leur loyauté : les Alsaciens et Mosellans sont donc dispersés dans plusieurs unités et interdits de "services sensibles". On préfère les envoyer à l'est où, dès la fin de l’année 1942, il faut pallier les pertes allemandes : environ 90 000 Alsaciens y sont envoyés pour combattre l’Armée rouge, soit 90% des incorporés de force.

        En mars 1944 André, âgé alors de presque 22 ans, fut intégré à la 23. Flak-Division, une unité de lutte anti-aérienne composée de batteries mobiles assignées à la défense des trains. Cette unité a été créée en octobre 1943 à Borbruisk en Biélorussie et opère aux alentours de Minsk, en soutien à la 9e armée, elle-même composée d'unités de l'armée de terre allemande. C'est juste après cet ordre d'affectation, en avril-mai de la même année, qu'on retrouve André en permission posant avec sa nièce dans la dernière séquence que son père ait filmé de lui. 

        On sait qu'André Muller appartenait plus précisément à la division anti-aérienne légère 954, grâce à son Feldpostnummer, tamponné sur une lettre du 24 avril 19444. Ce sont ces Feldpostnummer qui permettent aujourd'hui de retracer le parcours d'un soldat. En avril 1944, le FPN d'André était le L 54569, soit celui de la 1. Batterie leichte Flak-Abteilung 954. Les batteries mobiles du Flak comme celles d’André circulaient dans le secteur de Varsovie, Radom et Poznan. D'après sa famille, il se serait trouvé à Varsovie pendant le soulèvement de la ville, qui eut lieu entre août et octobre 1944.

        Feldpostnummer sur l'enveloppe d'une lettre envoyée par André Muller à son père datée d'avril 1944. © Famille Muller

        La situation géographique d'André est pourtant difficilement traçable, puisque les divisions du Flak ont été éparpillées dans tout le territoire du Reich au cours des derniers mois de la guerre. Selon un témoignage de la mère d’André qu'elle donna en 1945, il aurait intégré la Hermann Göring division en octobre 1944. Pour atténuer les importantes pertes survenues lors du recul des troupes allemandes à travers la Pologne, cette division a prélevé des soldats dans la Luftwaffe, entre autres. A cette période, la Herman Göring division est envoyée en Prusse orientale pour combattre l'armée russe, notamment lors de la bataille de Memel (Klaipeda). 

        Dans une lettre du 15 novembre 1944, il raconte son quotidien : il accompagne quotidiennement le médecin pour les consultations entre 3h et 6h du matin, dans la pénombre. Il semble disposer de peu de matériel médical ou d'éclairage puisqu'il se plaint de la pénurie de charbon. Il trouve toujours chez un fermier "quelque chose de bon à picorer" et dort environ cinq heures par nuit. Le temps est capricieux et froid. Il n'a ni vu ni entendu d'avion depuis longtemps et ses compagnons d'armes et lui-même doivent souvent creuser des tranchées.

        Extrait de la dernière lettre d'André Muller, datée du 15 novembre 1944. © Famille Muller

         

        André Muller semble alors se trouver aux alentours de Rypin en Pologne, qui n'était peut-être qu'un lieu de passage. La division Hermann Göring se rendait certainement à quelques centaines de kilomètres de là, puisqu'elle a combattu à l'est de Gumbinnen (Goussev) puis en janvier 1945 dans l'offensive Vistule-Oder. 

        Cette lettre est son dernier signe de vie. Comme André Muller, 13 000 de ces « Malgré-Nous » ont disparu sur le front de l'Est.

        La piste des camps de travail russes...

        La fin de la guerre est fêtée dans toute l'Alsace, ce dont les Muller sont témoins (voir Films en lien, Fête à Griesheim), sans pouvoir s'en réjouir pleinement. N'ayant plus de nouvelles de leur enfant, Thérèse et Paul Muller firent tout leur possible pour le retrouver à la fin de la guerre. A leur décès, les soeurs d'André puis sa nièce se saisirent de ces investigations. Cette volonté d'obtenir des réponses est aujourd'hui portée par Pierre-Louis Hickel, petit-neveu du disparu. C'est seulement en 2015 qu'après d'énièmes recherches, il prend connaissance d'un document émis par le "Bureau des Fichiers et de l'Etat civil - Déportés" de la République française au 25 mai 1948. Ce document rapporte le témoignage recueilli par le chef de la division des personnes déplacées et des recherches à Vienne du Docteur Paul Slesak, ancien prisonnier de guerre autrichien rapatrié d'URSS, qui déclare que "l'Alsacien MULLER âgé de 20 à 22 ans environ, étudiant en médecine, est mort au printemps 1945 de tuberculose pulmonaire à l'hôpital n°3922 à Orsk (U.R.S.S.)" (voir document ci-dessous). 

         

         Document établi par le Ministère des Anciens combattants, rapportant le témoignage du docteur Slesak. © Famille Muller

         

        Environ vingt-mille des Alsaciens incorporés de force sont fait prisonniers par l'Armée rouge ou se rendent à elle après avoir déserté. Considérés comme des Allemands, ils furent soit fusillés, soit envoyés comme prisonniers de guerre dans des camps. Celui de Tambov, le n°288, à 350 kilomètres de Moscou, garde captifs la plus grande proportion de ces "Malgré-Nous". Ils y périrent en nombre, aux côtés d'autres prisonniers de guerre, dans des conditions extrêmement difficiles5.

        Le retour des Alsaciens de ces camps n'a pas toujours été immédiat après la guerre, le dernier prisonnier alsacien n’étant libéré qu’en 1955. Pour ceux rentrés plus tôt, la réintégration n’est pas simple. Dans ces temps d’épuration, leur parcours est parfois peu compris, beaucoup pensant que ces jeunes Alsaciens et Mosellans se sont engagés volontairement et adhéraient à l’idéologie hitlérienne. Ce n'est qu'en février 1953 qu'est votée une loi exemptant les crimes ayant pu être commis par les "Malgré Nous". 

        Peu d’informations subsistent sur le camp d’Orsk mentionné par le docteur Slesak. Il était situé à la frontière du Kazakhstan, à plus de 3000 km de Rypin, dernière localisation connue du jeune homme. Selon différents articles, les prisonniers de guerre y ont principalement travaillé dans des carrières ou comme manoeuvres dans des usines, à partir de 1943. Ces usines avaient été évacuées de différents lieux en Russie à Orsk dans la crainte de l'arrivée des troupes allemandes. La ville d'Orsk contient sept cimetières où sont enterrés quelques 4201 prisonniers. En 2009, des plaques commémoratives ont été inaugurées à Orsk, à la mémoire des prisonniers allemands décédés dans le camp de travail n°260, entre 1943 et 19476.

         

        ... confrontée à de nouvelles découvertes

        La piste d'Orsk, pourtant acceptée pendant des années par la famille d'André, s'écroule en 2022. En quête de précision sur le sort de son grand-oncle, Pierre-Louis Hickel découvre aux Archives de la Défense, à Caen, la réponse du chef de la Division des personnes déplacées et des recherches à Vienne à qui le Bureau des Fichiers et de l'Etat civil des Déportés avait transmis des photographies du disparu, dans une lettre datée de juin 1948 : "Le docteur Slesak déclare formellement ne pas reconnaître le décédé précité sur les photographies. Il croit pouvoir affirmer qu'il ne s'appelait pas André. Il pense qu'il habitait près du Rhin dans la région de Strasbourg avec ses parents et une soeur. Enfin à sa connaissance cet étudiant avait 5 inscriptions semestrielles à la faculté de Strasbourg".

        Dès lors, les recherches prennent une toute autre direction et confirment les nouveaux doutes de la famille : André Muller a été confondu par l'administration avec un autre jeune homme du nom de Muller sur la base du témoignage du docteur Slesak. En recoupant le répertoire des Français enregistrés comme prisonniers dans les camps soviétiques transmis par les Archives nationales militaires russes en 2009 et le registre des inscrits en Faculté de médecine de Strasbourg, Pierre-Louis Hickel découvre qu'un dénommé Robert Muller, né en 1922 et étudiant à la Faculté de Strasbourg et y ayant validé cinq semestres, fut incorporé de force dans l'armée allemande. En 1944, il est fait prisonnier en Roumanie puis envoyé au camp d'Orsk. Il y est hospitalisé à l'hôpital militaire 3922 et décède de dystrophie en juin 1945. Il fut d'ailleurs déclaré mort en janvier 1946. Il n'y a pas de doute possible : si le docteur Slesak n'a pas reconnu André Muller sur les photographies, c'est parce que l'Alsacien qu'il a vu mort à l'hôpital du camp d'Orsk était Robert Muller. 

        La découverte de cette nouvelle information a remis en question ce que la famille avait imaginé sur le sort d'André, provoquant ainsi un nouveau choc. Près de quatre-vingt ans après la disparition d'André Muller, les recherches continuent : la piste d'un décès sur l'arrière-front est fortement envisagée, probablement dans la région du Gumbinnen. 

         

         

        Photographie d'Andre Muller dans le Recueil photographique des disparus du Bas-Rhin lors de la circonscription allemande. 

         

         

        Parmi les 134 000 français incorporés dans la Wehrmacht, environ 40 000 ne revinrent jamais, tués ou portés disparus.

         

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        MIRA remercie chaleureusement les familles Daussin et Hickel pour leur grande confiance. 

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        Kœrner, Francis. « Les « malgré-nous » alsaciens et mosellans sur le front nord-oriental : le siège de Leningrad. 1943-1945 », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 234, no. 2, 2009, pp. 39-51. 
        Rigoulot, Pierre. « Les « Malgré-Nous » », L'Alsace-Lorraine pendant la guerre 1939-1945. Presses Universitaires de France, 1997, pp. 53-74. 
        Urlaubsperre, ordonnance du 6 septembre 1944.
        Les différents bataillons de l'armée allemande possédaient chacun un numéro FPN différent. Ce code, régulièrement redistribué et souvent inscrit sur les courriers, permettait de donner discrètement les emplacements des unités dans une période donnée.
        Voir le livre de Régis Baty, Tambov le camp des Malgré-Nous alsaciens et mosellans prisonniers des Russes aux éditions de la Nuée Bleue, 143 p.
        voir aussi : http://berdskasloboda.ru/voennoplennye/ et https://hron.ru/news/read/26119 et https://www.ural56.ru/news/577429/

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