L'annexion brutale de l'Alsace-Moselle au territoire allemand avait marqué un tournant dans la guerre et mit une fois encore à mal l'identité de ce territoire. La fin de la Seconde Guerre mondiale inscrit son retour définitif à la France, abondamment célébré et filmé par les cinéastes locaux. Cette séquence, issue des collections de la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain, montre à quel point cette unité retrouvée a imprégné le pays toute entier, jusqu'à ce petit village de l'Ain, libéré lui-même en 1944.

L'orchestre, composé de cuivres et d'une grosse caisse, défile dans le village en jouant un ou plusieurs airs en l'honneur de la Libération de Metz et de Strasbourg. Ce petit concert improvisé est filmé avec soin par le cinéaste qui l'introduit spécialement d'un carton. Un drapeau aux couleurs de la France égaye la cohorte que le soleil éclaire vivement même si les manteaux sont de rigueur. Il est donc très possible que nous soyons encore au moins de novembre : les évènements viennent certainement de se produire.

Cette célébration, ainsi que celle de la Libération plus tard, illustrent parfaitement le parcours singulier du cinéaste. Il fait partie des quelques amateurs ayant obtenu l'autorisation de filmer dans la France occupée et ses films remarquables, valorisés par la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain, témoignent ainsi de ce quotidien. Cette particularité le rapproche des cinéastes alsaciens : s'il était interdit de filmer dans la France occupée, les lois s'appliquant à l'Alsace annexée étaient celles du IIIe Reich. Aussi les Alsaciens pouvaient légalement continuer de filmer en amateur, même si on imagine sans peine que cette liberté était entravée par une forme d'auto-censure. A l'instar de Victor Barbe, ils ont ainsi laissés des documents nécessaires à la compréhension de ce pan de l'histoire contemporaine.

Marion Brun.