Issus des collections de la Cinémathèque des Pays de Savoie et de l'Ain (CPSA), le film de Bruno Roullard propose un regard complémentaire aux images d'archives de MIRA.

Après une vue panoramique sur la façade de la cathédrale de Strasbourg, le cinéaste amateur Bruno Roullard concentre son attention sur un groupe de pigeons. Nourris par des enfants et quelques flâneurs, les volatiles foisonnent sur la place. En 1956, les effets nuisibles de ce geste pourtant répandu n'ont pas encore été étudiés par les scientifiques, le nourrissage des animaux sauvages étant désormais condamnés par les politiques urbaines.

Bien plus insolites, des joutes nautiques prennent ensuite place sur les eaux de l’Ill, la rivière qui traverse la ville de Strasbourg. À bord de deux pirogues qui viennent se rencontrer, des jouteurs tentent d’éliminer leur adversaire à l’aide d’une grande lance. Positionnés sur des tabagnons, les participants luttent pour garder l’équilibre. Ces images ont peut-être la particularité de présenter le regard-miroir du naturaliste alsacien Pierre Schmidt, lui aussi témoin d’une compétition nautique se tenant près du Palais Rohan en 1956 (Joutes nautiques devant le Palais des Rohan - Obermodern). A priori filmé depuis un pont ou une zone en dénivelé, Bruno Roullard laisse entrevoir la rive d'un quai. Un espace possiblement occupé par Pierre Schmidt qui, lui, nous partage une vue rapprochée des combats. La conjugaison des deux films donne à voir le caractère événementiel de ces duels navals.

Les joutes ont longtemps figuré parmi les emblèmes de la capitale alsacienne, alors à l’époque dépendante de ses activités fluviales. Maintes fois représentées à travers des toiles, illustrations ou gravures, les joutes nautiques étaient souvent érigées en l’honneur d’invités de marque comme Louis XV ou l’impératrice Joséphine en 1870. En 1988, à la suite d’une infection de leptospirose, un dangereux germe transporté par les ragondins (autre symbole de Strasbourg), les combats dans l’Ill prirent fin avant de connaître un nouvel élan en 2016, Strasbourg souhaitant renouer avec son histoire navale.

Thomas Bernolin