Documentant différemment la visite du Président de la République française Charles de Gaulle à Strasbourg le 23 novembre 1964 dont MIRA dispose des images, le film d’André Saliou, conservé à la Cinémathèque de Bretagne, en présente un aperçu bien plus intimiste. André Saliou capture la décoration de soldats français et le cortège des factions militaires sous un angle de proximité qui atteste de son statut privilégié. Membre des Forces françaises de l’intérieur (F. F. I.), jonction de groupes militaires combattants de la Résistance intérieure créée le 1er juin 1944, le réalisateur a effectivement soutenu les opérations militaires ayant contribué à la Libération du secteur de Lesneven (Bretagne).

Au cours de cet événement commémoratif et politique, rien n’est laissé au hasard : à commencer par le lieu où se réunissent ambassadeurs étrangers (l’américain Charles E. Bohlen et le britannique Pierson Dixon), ministres (Roger Frey et Charles Messmer) et personnalités alsaciennes (Maurice Cuttoli). L’Avenue des Vosges, où les cortèges militaires ont lieu, rend hommage à la percée surprise de la 2ème Division Blindée du général Philippe Leclerc de Hautecloque au cours de septembre 1944. Après la Bataille de Normandie et la Libération de Paris menées aux côtés des forces alliées fraîchement débarquées sur les côtes occidentales françaises, le responsable militaire et ses chars d’assaut surprennent les occupants allemands en traversant les Vosges depuis Dabo. Cette marche à l’Est du pays mène, à la suite de rudes combats, à la Libération des terres lorraines et alsaciennes.

Pendant la première minute du film, le Général quitte la tribune présidentielle pour passer en revue les troupes et récompenser d'anciens combattants. L’abri offre une vue frontale sur les troupes militaires et la Place de la République - sans oublier l'omniprésente Cathédrale trônant au large. Aux premières loges du défilé, le cinéaste filme la parade militaire des cuirassiers du 153ème régiment d’infanterie, unité engagée dans les Vosges en 1944-1945 et renommée le « Régiment de fer » par les vétérans de la division Leclerc. Les plus récents modèles de la 2ème Division Blindée prennent ensuite la relève : les engins de reconnaissance Panhard EBR FL11 en service de 1951 à 1984, les véhicules d’infanterie AMX-13 VCI produits à partir de 1957, les chars américains M47 Patton apparus dès le lancement de la Guerre de Corée, parmi d’autres.

Le spectre des élections présidentielles de 1965 flotte également dans l’air. La participation de troupes américaines et anglaises à ce cortège permet de souligner la collaboration de longue date unissant les trois plus grandes forces mondiales. Dans les discours qu’il prononce ce même jour, Charles de Gaulle vise en parallèle à rétablir les partenariats franco-allemands et à créer une Europe indépendante des blocs soviétiques et atlantiques. L’importante médiatisation que connaît la cérémonie (forte affluence, présence des presses écrites internationales et des équipes de télévision) sert de vitrine à la campagne de l’homme politique réélu l’année suivante.

Thomas Bernolin