MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique
Effacer les hiérarchies sociales et même l’argent, rendre accessibles à tous des séjours tout compris dans des lieux paradisiaques, c’est au départ la promesse utopique et idéaliste du Club Méditerranée.
Après la Seconde Guerre mondiale, le désir de bonheur s’exprime dans la société et les offres de vacances se multiplient en France. Fondé en 1950 par Gérard Blitz, le Club Méditerranée rejoint les Villages magiques et le Club polynésien sur le marché des loisirs avant leur fusion en 1956-1957, laissant la postérité au mythique Club Med. Ancien joueur de waterpolo, Gérard Blitz conçoit à l’origine le Club Méditerranée comme un club sportif et de remise en forme s’inspirant des villages olympiques. Le premier village ouvre à Alcudia sur l’île de Majorque en Espagne. Les infrastructures y sont rudimentaires, de simples tentes, pas d’eau ni électricité, et le service modeste ; le tout dans un esprit de convivialité.
Au fil du temps, le Club Méditerranée se développe et établit ses villages partout dans le monde.
Du village de tentes au village de cases, du bungalow à l’hôtel de luxe, du club sportif à l'exotisme, les collections de MIRA permettent de retracer une histoire des loisirs et du tourisme dans la deuxième moitié du XXe siècle grâce aux cinéastes de nos collections qui un jour firent partis des Gentils Membres du Club Med.
Couvrant la période des années 1960 aux années 1970, les cinq films de nos collections manifestent l’ADN sportif du Club Med. Nombre de séquences donnent à voir les séances de gymnastiques sur la plage et quelques Crazy signs : ces chorégraphies faciles à apprendre, inventées en 1953, et qui ont fait le sel du Club Med. Le réalisateur Lucien Leininger, nous offre ainsi une séquence mémorable de danse collective dans le film Club Med de Pakoštane en Croatie (1964), où tout le monde se prête au jeu, emporté par l’enthousiasme du moniteur qui se déhanche en slip de bain. Pour le reste, les vacanciers s’adonnent à diverses activités comme le ski nautique, la plongée sous-marine, la natation, l’équitation ou encore le tennis dont les programmes sont affichés sur de grandes pancartes.
Lucien Leininger, fonds Leininger © MIRA
Mais au-delà du sport, Gérard Blitz est animé par la volonté de gommer les hiérarchies sociales, et s’y emploie avec des moyens pour le moins originaux, dont notamment le port généralisé du maillot de bain. Une convention vestimentaire que manifestent largement les films de nos collections. Moins perceptible, le tutoiement est également exigé, aussi bien entre membres qu’avec l’équipe du Club. Enfin et sans doute le plus important, le tarif unique, mis en place dès la création du Club, vise à pallier les inégalités salariales. Poursuivant cette ambition, le Club Med – jamais à cours d’idée – introduit en 1957 le « collier-bar » pour payer ses consommations sans sortir d’argent. Monnaie alternative avant l’heure, ces colliers de perles apparaissent en particulier dans le film Caprera - août 1969 du fonds Grodwohl, portés autour des cous ou entre les mains des vacanciers.
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Inconnu, fonds Grodwohl © MIRA |
Malgré ses premières intentions, le Club Med change peu à peu de visage, laissant progressivement derrière lui l’utopie sociale.
En effet, le Club Med s’engage rapidement dans une montée en gamme. Une évolution qui se perçoit dans les films de nos collections à travers notamment les infrastructures et les prestations.
Datant de 1964, le film le plus ancien de ce corpus, réalisé par Lucien Leininger, se situe à Pakoštane en Croatie. Ouvert en 1960 pour fêter les 10 ans d’existence du Club, le site de Pakoštane est un village de cases où l’on pratique principalement le ski nautique. Plusieurs séquences tournées par le cinéaste montrent ainsi ses compagnons s'essayer à l’exercice. À travers l’œil de sa caméra, on constate aussi des infrastructures modestes, de simples tables et bancs de bois, des vivres acheminés sur des brouettes, et des sanitaires collectifs en extérieur.
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Lucien Leininger, fonds Leininger © MIRA |
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Lucien Leininger, fonds Leininger © MIRA |
Lucien Leininger, fonds Leininger © MIRA |
Tourné quelques années plus tard en 1969, le film suivant, issu du fonds Grodwohl, prend place sur l’île de Caprera en Italie. Cet ancien Village magique, ouvert en 1955, est à l’origine un village de tentes. Transformé en village de cases en 1959, il devient l’un des sites phares du Club Med et se tourne particulièrement vers les sports nautiques. Si le cinéaste inconnu et ses compatriotes dorment dans des cases, le film révèle, à la différence du précédent, des infrastructures en dur et des activités plus variées : volley-ball, plongée sous-marine, bateau, concours, ping-pong, scrabble, pétanque, cours de peinture... ainsi que des buffets plus fastueux.
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Inconnu, fonds Grodwohl © MIRA |
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Inconnu, fonds Grodwohl © MIRA |
Inconnu, fonds Grodwohl © MIRA |
C’est encore un autre visage qu’affiche le film Club Med Marrakech du fonds Goubet tourné dans les années 1970. Situé au cœur de la vieille ville – alors que les premiers villages s’installaient habituellement dans des zones inoccupées – le site de Marrakech-La Medina prend des allures d’hôtel de luxe, comprenant : piscine creusée, terrains de tennis, centre d’équitation, et proposant aux vacanciers de véritables festins. Ouvert en 1971, le site de Marrakech constitue l’un des maillons de cette montée en gamme, dans laquelle les villages marocains ont par ailleurs tenu une place importante. En effet, quelques années plus tôt en 1966, c’est dans la ville d’Agadir, sur la côte Atlantique, qu’est inauguré le tout premier village en dur du Club Med, laissant de côté les tentes et les cases.
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Inconnu, fonds Goubet © MIRA |
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Inconnu, fonds Goubet © MIRA |
Inconnu, fonds Goubet © MIRA |
Quant à Mamaia situé au bord de la mer Noire en Roumanie, c’est un Village-Thalassa que propose le Club Med autour d’une offre de bien-être, où se rend notamment le cinéaste Francis Hirn en 1975 dans le film Voyages en Roumanie et en Irlande.
Enfin, pour son premier village d’hiver, situé à Villars-sur-Ollon en Suisse, le Club Med rachète deux hôtels de luxe : le Villars Palace et l’hôtel Bellevue pour y accueillir sa clientèle. Ouvert en 1968, le cinéaste Ralph Laclôtre s’y rend quelques années plus tard en 1972. S’il ne filme pas l’intérieur de l’hôtel, on peut tout de même apercevoir la façade du Villars Palace ainsi que le restaurant du Chalet des Bouquetins, racheté, lui aussi, par le Club Med.
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Ralph Laclôtre, fonds Laclôtre © MIRA |
Le Club Med façonne également son image autour du concept de bonheur, comme le rappelle l’un de ses slogans : « Le Club, la plus belle idée depuis l’invention du bonheur ». Et en usant d’une terminologie « candide » où tout le monde y est « gentil » : du Gentil Membre au Gentil Organisateur en passant par le Gentil Employé… Pourtant au XXe siècle, les villages du Club Med restent des espaces relativement fermés aux populations locales où ils sont implantés, et imposent parfois des quotas restrictifs aux clients non-européens comme c’est le cas notamment au Maroc – même si c’est bien souvent les locaux qui forment les rangs des Gentils Employés. La somptuosité de certains sites comme celui de La Médina contraste également avec la pauvreté du dehors tandis que des pancartes « Village privé entrée interdite » visibles dans plusieurs films rappellent le caractère réservé de ces villages et l’exclusivité du bonheur européen.
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Inconnu, fonds Grodwohl © MIRA |
Francis Hirn, fonds Hirn © MIRA |
Le Club Med use également de l'exotisme pour attirer les touristes, entre appropriation et exploitation culturelle, s'inspirant notamment de la culture polynésienne pour créer ses villages de cases et proposant musiques et spectacles folkloriques. Ainsi, Lucien Leininger et ses compagnons sont accueillis par une fanfare et une femme portant le paréo et le collier de fleurs polynésiens ; des danseuses marocaines viennent divertir les vacanciers du centre de La Medina à Marrakech. Quant à Mamaia en Roumanie et à Villars-sur-Ollon en Suisse, ce sont des musiciens traditionnels qui égayent les repas.
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Inconnu, fonds Goubet © MIRA |
Francis Hirn, fonds Hirn © MIRA |
Aujourd’hui la plupart des Clubs Meds filmés par nos cinéastes ont fermé leurs portes : Mamaia, Pakoštane, Caprera, Villars-sur-Ollon… laissant parfois des sites à l’abandon et une page de l’histoire avec eux.
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