Le 2 avril 2005, le pape s'éteint, pleuré par les fidèles du monde entier. Une quarantaine de pays décrètent le deuil national et ses funérailles quelques jours plus tard font date. Leader spirituel séduisant et charismatique pour la communauté catholique, il sera canonisé par le pape François le 27 avril 2014. De Rome à Abidjan, quelques cinéastes de nos collections ont filmé lors de diverses occasions Jean-Paul II, l'un des papes les plus influents de l'histoire contemporaine. 

Ordonné prêtre en 1946, Karol Wojtyla (1920-2005), cardinal-archevêque de Cracovie, prend les rênes de l'Église en devenant pape le 16 octobre 1978. Ce jour-ci, un cri s’élève dans la foule sur la place Saint-Pierre de Rome : « È il Polacco ! » (C'est le Polonais !). Et pour cause, cela faisait plus de 400 ans qu’un pape non italien n’avait pas été élu. Jean-Paul II marquera l’histoire, en encourageant les aspirations à la liberté et à la démocratie, en favorisant le dialogue entre les différentes religions, en canonisant et en béatifiant un grand nombre de personnes. Mais il a surtout joué un rôle crucial dans la lutte contre le communisme, notamment en Europe de l'Est. Son soutien aux mouvements syndicaux, comme la fédération polonaise Solidarność, ainsi que sa première visite en Pologne en 1979, a contribué à galvaniser l'opposition au régime communiste dans le pays, et a inspiré d'autres nations sous domination soviétique. En parallèle, il a également exprimé des réserves sur le capitalisme, soulignant les dangers d'une économie qui néglige les plus vulnérables. Insistant sur la nécessité de protéger les pauvres et les marginalisés, Jean-Paul II a plaidé pour une économie qui respecte la dignité humaine et favorise la justice sociale, affirmant que la véritable richesse d'une société se mesure à la manière dont elle traite ses membres les plus démunis. Cette sensibilité a forgé la réputation d'un homme qui a fait de la défense des droits de l'homme son principal combat. Pourtant, s'il est auréolé d’une grande popularité, un tsunami de scandales a jeté une ombre sur son pontificat. L'un des plus sensibles a été la révélation de sa dissimulation d’actes pédophiles commis par des prêtres de son diocèse de Cracovie. Sa complaisance envers des régimes autoritaires en Amérique du Sud, qu’il ne condamne pas explicitement à l’exception de Cuba, a également mis à mal sa crédibilité. Là où la grande majorité des fidèles a fait de Jean-Paul II un homme exemplaire, la tension entre les discours officiels du pape et les silences qu’il a entretenu a ébranlé l’Église catholique.

Les 27 années de son pontificat (1978-2005) furent marquées par de très nombreux voyages apostoliques, qui lui ont permis de tisser un véritable lien avec les communautés du monde entier. Celui qui se considérait comme un « pèlerin de la foi » entreprit davantage de voyages que tous ses prédécesseurs cumulés. Quelques cinéastes amateurs ont eu l’occasion d’enregistrer le Saint-Père au cours de ses déplacements. Pour être certains de capturer ses apparitions fugaces, les opérateurs démarraient généralement leur pellicule à l'avance. Ces temps d’attente, souvent longs, enrichissent la séquence d’un suspense palpable. À l’occasion des 20 ans de sa mort, MIRA propose de (re)découvrir deux films de ses collections où apparaît ce pape hors nome. 

Le premier a été tourné par André Obermeyer à l’occasion d’un voyage à Rome, en 1978. La foule est massée place Saint-Pierre. Sur les balcons, une colonne de têtes dépasse de la balustrade. Même les statues fièrement dressées semblent observer la scène. On lit sur le visage des gens un empressement, une excitation nerveuse. Quelque chose se prépare. Jean-Paul II fait soudainement son apparition parmi la foule dans la papamobile culte, alors encore totalement ouverte - nous sommes avant la tentative d'assassinat de 1981. Les bras se lèvent pour saluer le nouvel évêque de Rome. Ce dernier se dirige près de son siège, en haut des marches, pour prononcer un discours aux côtés d’une rangée de cardinaux. Durant son allocution, plusieurs groupes dispersés dans la foule secouent des foulards bleus ou jaunes et blancs, couleurs du drapeau du Vatican.

Il s’agit de la messe d’intronisation du 22 octobre 1978, rendue célèbre par le « N’ayez pas peur ! », message d'espoir et de réassurance, lancé par le nouveau souverain pontife à la foule. Son discours fort avait marqué les esprits par sa dimension politique - il évoque l'ouverture des frontières en pleine Guerre Froide - et d'ouverture à autrui.  

Le deuxième film prend place à Abidjan, en 1980, où l’opératrice Brigitte Thomann sort sa caméra à l’approche du pape. Hommes et femmes, vêtus de chemises blanches et de pantalons noirs, patientent au bord d'une route, en fin de journée. Escortée par des motards, la papamobile fait son entrée. Son résident, coiffé d’un capello romano, salue la foule. De nombreux fidèles suivent le véhicule.

Ce passage éclair s’inscrit dans le cadre d’un pèlerinage apostolique en Afrique, du 2 au 12 mai 1980, notamment pour commémorer le centenaire de l’évangélisation dans plusieurs pays. Un anniversaire qui occupe une place particulière dans l'imaginaire historique, les missions évangéliques ayant longtemps servi à justifier le colonialisme européen. C’est ici la première fois qu’un souverain pontife se rendait sur le sol ivoirien. Peu de temps avant, les autorités avaient donné son nom à une rue d’Abidjan et à la grande place de Yamoussoukro. Il donnera un discours dans la capitale ivoirienne à la fin de son séjour, évoquant une « nostalgie naissante » qui le gagnait à son départ d’Afrique. 

Jean-Paul II lègue un héritage complexe, marqué par une dualité entre son engagement pour la justice sociale et sa complaisance envers un ordre social et économique conservateur, tout en restant une icône pour de nombreux catholiques. Le catholicisme étant aussi une affaire d’images et de représentations visuelles, les témoignages issus des collections de MIRA nourrissent dans une moindre mesure un certain culte accordé au souverain pontife. Ils permettent aussi au spectateur de capter l’aura d'un pape entré dans la culture populaire, et dont la présence est rendue accessible par la dimension amateure des films.