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Écrits sur images
      • LA PREMIÈRE PRODUCTION MONDIALE : LE CINÉMA AMATEUR

      • Par Odile Gozillon-Fronsacq
      • LA PREMIÈRE PRODUCTION MONDIALE : LE CINÉMA AMATEUR
      • Longtemps méprisé par les cinéphiles, il déconcertait aussi les chercheurs. Conservé par des particuliers, il était inaccessible. Intimiste, il semblait propre à satisfaire des besoins mémoriels individuels, et non à fabriquer de l’Histoire. Depuis peu, on a pris conscience que le cinéma amateur, quantitativement première production mondiale, est aussi qualitativement inestimable. Il est menacé de disparition rapide, mais des cinémathèques se sont donné pour mission de les sauvegarder. 

        Comment définir le cinéma amateur ? Le plus simple est de préciser ce qu’il n’est pas : il n’est pas diffusé dans les circuits commerciaux ou de télévision. Il recouvre donc le film de famille, le film d’entreprise, le film de ciné-club, de clubs sportifs, de collectivités… Son but n’est pas de faire de l’argent, mais de faire plaisir, de faire souvenir, de faire savoir.

        Dépourvu de gros moyens financiers, l’amateur utilise le plus souvent des formats économiques. Pathé en a été le grand fournisseur. Il a orienté son industrie vers ces nouveaux formats pour remédier à la crise de ses productions, concurrencées par les films américains à partir de la Première Guerre. 

        Le Pathé-Cok, dès 1912, utilisait pour la première fois un film non-inflammable, en 28 mm de large. Mais il était cher, et destiné à la seule projection de films édités. La vraie révolution sera celle du Pathé-Baby, le 9.5mm né en 1922. Format réduit, prix raisonnable, maniabilité, simplicité d’utilisation : dans toute l’Europe et au-delà, ce fut un fantastique engouement. On achetait un Ciné-Baby pour avoir « le cinéma chez soi ».A une époque où les salles de cinéma avaient encore une mauvaise réputation, c’était séduisant de pouvoir regarder des films dans son salon en famille, à l’abri de toute promiscuité désagréable. On l’achetait aussi pour faire son cinéma. Pour la première fois dans l’histoire, on a eu la possibilité de filmer soi-même grâce à la vente de films vierges et de caméras en format 9.5. Ce n’était pas donné, mais c’était abordable. Ainsi a commencé la production amateur. 

                    

        © DR

        Créé en 1922 par Kodak, le 16mm a été un support choisi par des amateurs exigeants, et surtout des entreprises. Il sera même utilisé par des professionnels. Ce format, repris par Agfa, donne une image de belle qualité et permet de bonnes projections en salle. 

        Enfin, le 8mm, en 1932, puis le super 8 en 1965, ont été les formats de la démocratisation du cinéma, - avant bien sûr le numérique, qui a rendu la prise d’images accessibles à tous, - comme en témoigne l’extraordinaire émergence des images issues des téléphones portables dans l’histoire des printemps arabes, par exemple : plus que jamais, le film amateur est un document historique.

        Quel est l’intérêt du film amateur ?

        Les films amateurs, des « films sans qualité » ? Prenons l’exemple de nos films de famille. C’est vrai, ils sont pour la plupart mal tournés, mal construits, et mettent en scène de parfaits inconnus. Aussi ont-ils longtemps été méprisés, même par les chercheurs : « Dans les études culturelles, les films de famille sont conceptuellement considérés comme le dépotoir des modes de représentation » souligne l’historienne américaine Patricia Zimmermann. 

        Depuis peu, pourtant, on découvre la richesse historique, sociologique, ethnographique de ces films. Des chercheurs, comme Roger Odin en France, Patricia Zimmermann aux Etats-Unis, Susan Aasman aux Pays-Bas, Nathalie Tousignant en Belgique, ont été des pionniers. Depuis peu, des colloques sont organisés sur ce sujet par des Archives ou des Universités, - celle de Strasbourg, par exemple. 

        © Alex Schwobthaler

        © Alex Schwobthaler

        Les professionnels du film s’intéressent de plus en plus aux images amateurs pour la création de documentaires ou de fictions : économiques, elles sont aussi censées apporter une note d’authenticité apparente à un film historique. De nombreux films (Apocalypse, par exemple) et émissions de télévision sont construits à partir d’images amateurs.

        L’intérêt du public va grandissant, d’ailleurs souvent nourri par la multiplication d’émissions d’archives à la télévision. Cette popularité a justifié l’organisation à St Ouen d’un Festival du Film de famille depuis 2004. Il s’est même monté un Festival du Film de vacances en 2007. Orchestré par les medias, le film amateur a le vent en poupe !

        Une collecte urgente

        Un nombre croissant de cinémathèques et d’archives audiovisuelles se donne pour mission de collecter les films amateurs, et en particulier les films de famille. L’association Européenne des Inédits (AEI), fondée en 1989 par le réalisateur belge André Huet, regroupe diverses institutions privées comme publiques qui archivent ces images, afin de rendre plus efficaces leur sauvegarde, leur catalogage, et leur diffusion. 

        Les cinémathèques régionales, nées d’abord dans les régions où l’identité régionale était forte, - ou contestée -, comme la Bretagne ou l’Ecosse, continuent à se développer un peu partout en Europe, principalement autour du film amateur. En Alsace, l’association MIRA (Mémoire des Images Réanimées d’Alsace), a lancé en 2009 le projet « Films inédits d’Alsace », avec pour objectif de sauver de la destruction tous les films amateurs en rapport avec la région. La tâche est urgente, car des dizaines de films disparaissent chaque année. Avec les films amateurs, constituons les « Archives de demain », comme l’écrivait Matuszewski… en 1898.

      • Publié le 01/12/2020

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