MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique
Les Super 8
" Nous sommes dans le salon de Zoune et André, mon frère François a baissé la lumière car il a retrouvé des films en super 8 que nous croyions perdus, j’en ai tourné la plupart, de petites galettes jaunes. On écoute le moteur du projecteur, la bande à l’extrémité biseautée s’engage dans son circuit dentelé, clac-clac-clac, les indications écrites au feutre ne correspondent pas forcément aux images, nous sommes en 1972, 1973, 1974. Nous sommes jeunes, des enfants. Chacun y va de son commentaire, une image ressuscite un souvenir, puis on se tait car mon père [décédé peu avant] vient d’apparaître à l’écran, en habit léger, pantalon de toile pas même tenu par une ceinture, ventre plat, svelte, clin d’œil malicieux à la caméra. Derrière la caméra, il y a moi. Ces scènes existent sur ma rétine, quelque part, les voilà qui ressurgissent, super 8 muet, couleurs un peu passées, une autre vie, nous la redécouvrons le souffle suspendu. Il manque certains films. Je pense à celui où il shoote dans un ballon de rugby sur la plage de Pontaillac, l’été 1976 peut-être. Il est torse nu, en maillot, j’entends encore le coup de pied sourd dans le cuir du ballon. Ses empreintes dans le sable. Je crois que mon père était un de ces êtres qui laissent très peu de traces derrière eux. Le temps menace de les dissoudre au point que, plus tard, on pourrait douter qu’ils ont existé un jour. "
Eric FOTTORINO, L’Homme qui m’aimait tout bas, Gallimard 2009, p. 137/138
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