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MiraMIRAMémoire des Images Réanimées d'AlsaceCinémathèque régionale numérique

Écrits sur images
      • Des pellicules aux cassettes : quelles évolutions dans le cinéma amateur ?

      • Par Ondine Duché, renfort en documentation
      • Publicité japonaise pour le caméscope Sony SL-F1 Portable Betamax

        Le passage du support pellicule aux cassettes à bandes magnétiques analogiques, puis numériques, dans le film amateur induit un certain nombre de ruptures technologiques marquées. Qu'en est-il au niveau des pratiques et donc des images ? Ces évolutions techniques ont-elles influencé la façon de filmer ? Peut-on identifier ces ruptures, ou bien repérer des continuités ? Pour aborder ces questions, cet article se base sur le visionnage d'un corpus d'une dizaine de fonds, soit plus de 150 films tournés sur pellicules et cassettes issus des collections de MIRA. Ces films vont des années 1970 aux années 2000, ce qui représente d'une manière très large la période de transition progressive vers les supports magnétiques. Le but est ici de tenter de décrire quelques caractéristiques saillantes de la culture visuelle filmique amateur de ces décennies et comment certains de ces codes s'exportent, ou bien se transforment, du film à la vidéo. 

        Les années 1970 : une démocratisation des pratiques amateurs du cinéma à plusieurs vitesses

        L'introduction du format Super 8 au mitan des années 1960 et son essor à partir des années 1970 est « un moment d'élargissement quantitatif des utilisateurs et des usages du cinéma [i] », qui constitue notamment une démocratisation de l'accès au cinéma amateur. Grâce à la baisse du coût des caméras et des pellicules, de plus en plus de personnes peuvent accéder à ce loisir. Les caméras même les plus simples sont agrémentées d'un certain nombre d'améliorations techniques, auparavant également réservées aux cinéastes « éclairé·e·s », comme par exemple l'intégration de zooms sur la majorité des optiques [ii]. On peut également constater que l'usage d'accessoires se multiplie sensiblement, comme des lumières déportées qui permettent d'éclairer fortement les intérieurs pour mieux les filmer, ainsi que l'usage de micros qui permettent d'enregistrer du son en direct. 

        Usages d'accessoires visibles à l'image, micros filaires et lampes déportées (1978-1982), fonds Angst, Petit-Richard et Fehr © MIRA

        À partir des années 1970, ce sont donc de nouvelles classes sociales, plus populaires, qui accèdent progressivement au cinéma amateur. Ce faisant, on peut observer l'apparition de nouvelles représentations au sein d'une culture visuelle jusqu'alors largement dominée par le mode de vie bourgeois. Les thèmes du film de famille, plus large part des pratiques amateurs du cinéma, en restent globalement inchangés : on retrouve dans presque toutes les collections des films de mariage, de baptême et de communion, des naissances, le bain de bébé et ses premiers pas, des repas animés en famille et des anniversaires, ou des déballages de cadeaux sous le sapin de Noël. Mais ce sont de nouveaux environnements, d'autres intérieurs, d'autres mœurs qui apparaissent à l'image auparavant plus rares. Cette nouvelle accessibilité fait notamment émerger de nouveaux usages, ancrés dans ces contextes sociaux : certains cinéastes font ainsi de la caméra un outil militant, en réalisant des films qui servent à délivrer un message politique. On peut ainsi noter le développement d'une certaine diversité dans les représentations à partir des années 1980 qui participe à transformer la culture visuelle. 

        La commercialisation auprès du grand public des supports magnétiques à la fin des années 1970 et leur perfectionnement au cours des années 1980 permettent simplification du matériel et des opérations techniques liées à la production de films, notamment en supprimant l'étape de développement de la pellicule. Les cassettes enregistrées sont visionnables sur un téléviseur directement après le tournage, grâce aux magnétoscopes et peuvent être réenregistrées à loisir. Les nouveaux caméscopes intègrent des fonctions qui nécessitaient auparavant des accessoires, comme la prise de son en direct. Si certaines de ces avancées peuvent apparaître comme des sources potentielles d'économies, le renouvellement de l'équipement constitue toutefois un investissement financier non négligeable, les caméscopes et magnétoscopes étant des technologies de pointe [iii]. Parmi le corpus visionné - toutefois limité -, il apparaît ainsi que, dans les premiers temps, la majorité des cinéastes qui s'essayent à la vidéo appartiennent à des catégories socioprofessionnelles hautement qualifiées (cadre, médecin, ingénieure), ce que laisse également transparaître leur mode de vie, les loisirs auxquels ils s'adonnent, comme les nombreux voyages réalisés dans des contrées lointaines. Ainsi, les films des années 1980-1990 tournés sur cassettes ne reflètent pas toujours cette diversification des cinéastes et des sujets du film amateur démarrée avec le format Super 8. On ne peut donc pas parler d'une culture visuelle totalement uniforme, mais qui évolue en plusieurs temps. 

        L'interaction entre le cinéaste et ses sujets argumentée par la prise de son en direct de la vidéo

        Au niveau des pratiques, on peut remarquer cependant une certaine continuité, qui s'explique du fait que ce sont en partie des cinéastes expérimentés qui se tournent en premier vers la vidéo. On trouve en effet de nombreux fonds mixtes qui transitionnent du format Super 8 aux cassettes. Par conséquent, certaines habitudes de prise de vue semblent se perpétuer d'un format à l'autre : l'acte de filmer se fait de manière relativement statique, on trouve dans les films de voyage des enchaînements du type vue générale d'une scène et zooms avant très importants pour révéler le centre d'intérêt de l'image, de nombreux plans panoramiques horizontaux et verticaux, etc. La prise de vue en continu se trouve rarement dans ces fonds mixtes, qui privilégient la méthode du tourné-monté comme sur format pellicule, bien que l'on puisse observer une augmentation significative de la longueur de ces plans sur les formats vidéo. 

        Plan alternant entre gros plans zooms et vues générales d'une scène, Super 8 (1978) Fonds Gill © MIRA

        L'usage qui est fait du son dans les films s'adapte toutefois aux nouveaux supports, tout en s'inscrivant dans le prolongement des pratiques sur support pellicule. En effet, simultanément à l'essor des supports magnétiques (l'emblématique cassette VHS est commercialisée à partir de 1975 au Japon et aux USA, en 1978 en France) le film Super 8 sonore devient accessible aux cinéastes en herbe, disponibles sur le marché à partir de 1974. La sonorisation des supports fait ainsi également partie des changements majeurs dans les pratiques filmiques amateurs de la fin du XXème siècle. Pour un petit nombre de ces films, la prise de son est réalisée en direct lors du tournage, à l'aide d'un micro filaire, relié à la caméra. Pour la majorité, cette sonorisation est réalisée à posteriori, avec des ajouts de bandes-son musicales, ou bien de commentaires enregistrés et ajoutés sur une table de montage. Ce traitement sonore des films de famille et notamment de voyage a pour fonction de documenter l'action, les protagonistes, les différentes activités effectuées, la date de l'évènement ou encore les lieux visités, etc., d'une manière un peu plus étoffée que les cartons et intertitres. Souvent à forte dimension narrative, ces commentaires sont destinés aux futur·e·s spectateur·rice·s du film et ont la particularité de s'adresser parfois explicitement à elles et eux, avec des allocutions du type : « comme vous voyez ici », « vous remarquez que », etc. 

        Commentaire audio s'adressant à un public ultérieur, Super 8 (1974) Fonds Roussel © MIRA

        Ainsi, l'aspect sonore des films peut servir à renforcer la dimension interactive de cette pratique entre cinéaste, sujet et public. Cette interactivité existe depuis l'origine du film amateur. Des jeux cinématographiques et saynètes des années 1920 jusqu'aux grimaces, le tournage est un acte collaboratif entre le cinéaste et ses sujets, qui réagissent au fait d'être filmés en choisissant de poser, de se mettre en scène, ou de se soustraire au regard intrusif en se cachant ou en se rendant imprésentable. Les personnes filmées ont conscience que l'image qu'elles prêtent à la caméra sera probablement diffusée de manière semi-publique, lors de projections, et à ce titre adaptent leurs comportements, en fonction également des demandes du cinéaste. Lors de la projection, le film de famille constitue également une expérience que l'on peut qualifier de collective, liée au moment convivial de visionnage des bobines entre membres du groupe familial proche ou élargi [iv]. Avant la popularisation des supports sonores auprès du grand public, ces mêmes commentaires étaient réalisés en direct lors de la projection, par le cinéaste ou les personnes ayant participé à l'évènement projeté. En intégrant ces commentaires mêmes au film, sa dimension d'objet servant à la communication et destiné au partage sont renforcées. 

        Avec le passage à la vidéo, cette pratique du commentaire continue de se transformer. D'un côté, l'étape de la post-production implique de nouvelles contraintes et compétences techniques différentes du montage des films sur pellicule. Mais d'autre part, l'intégration aux caméscopes de la fonction d'enregistrement du son rend cette opération largement facilitée. La vidéo devient donc sonore par défaut : certains cinéastes exploitent peu cette avancée, la sonorisation n'est alors qu'un simple bruit d'ambiance des séquences enregistrées. Pour d'autres, cette simplification entraîne un déplacement de l'opération d'enregistrement des commentaires, qui ne sont plus produits en décalé, après le tournage, mais réalisés en simultané, au moment de la prise de vue. En somme, il devient possible de filmer et de commenter en même temps. Le contenu des commentaires se modifie ainsi peu : on retrouve les mêmes types d'informations de contextualisation des séquences qui s'adressent explicitement à un public futur présumé. La longueur des plans s'adapte cependant au commentaire qui est fait en direct, derrière la caméra. 

        Ce nouveau dispositif d'enregistrement de la vidéo, qui allie prise de vue et prise de son, augmente l'interaction entre le ou la cinéaste et ses sujets filmés. Cette possibilité sonore du film est progressivement intériorisée par ces derniers, qui prennent la parole en sachant que celle-ci est enregistrée et sera retransmise. Si dès les débuts du cinéma amateur, on constate que les personnes filmées parlent à la personne derrière la caméra, pour attirer son attention, l'interpeller, la réprimander, etc., ces mots ne nous sont pas destinés et ne nous parviennent pas : ils s'inscrivent directement dans le présent. Avec la prise de son en direct, les personnes filmées délivrent des messages à la caméra et, par son intermédiaire, à un public potentiel. Les filmeur·euse·s ne sont ainsi plus les seul·e·s à s'adresser à un auditoire projeté, mais les personnes filmées également, ce qui crée un réseau d'interactions complexes et riches entre les différents producteurs, acteurs et récepteurs de l'image filmée. 

        Changement dans les pratiques filmiques, une question de matériel, mais aussi de générations

        À gauche : l'un des premiers caméscopes Sony SL-F1 Portable Betamax en deux unités séparées (caméra et caméscope reliés par un fil), 1981
        à droite : le premier caméscope deux-en-un au format VHS-C, le JVC GR-C1 VideoMovie, commercialisé en 1984, dont le format est significativement réduit

        Comme pour les supports pellicules, en un peu plus d'une décennie les fabricants de matériel vidéo - qui se livrent à une féroce concurrence - parviennent à faire significativement baisser les coûts du matériel et à simplifier leur utilisation. Le format VHS-C, introduit en 1983, ainsi que le format Video 8, lancé en 1985, connaissent ainsi un grand succès du fait de leur format très compact, réduisant la taille et le poids des appareils. La vidéo est ainsi de plus en plus accessible dans les années 1990. Il s'agit alors d'une nouvelle génération de filmeurs et de filmeuses qui s'équipent de caméscopes, des cinéastes n'ayant jamais pratiqué le film sur support pellicule avec toutes ses contraintes. Cette génération n'est toutefois pas étrangère à la culture de l'image. Au contraire, plus de 50 ans après l'introduction du cinéma amateur dans la société, les pratiques de l'image - photographie et cinéma - ont atteint un stade de forte intégration dans les activités de la vie quotidienne des individus. Ceci semble se traduire par un changement de posture des filmeur·euse·s, qui se trouvent plus que jamais à proximité de l'action filmée. Par le passé, les cinéastes avaient tendance à s'extraire légèrement de la scène en cours pour la capter d'un point de vue général, mais également extérieur : par exemple, pour filmer un repas, le ou la cinéaste se lève de table pour enregistrer la scène. Avec les nouveaux et nouvelles usager·e·s de la vidéo, cette distance semble abolie, la prise de vue se fait « à la première personne », à l'intérieur même de l'action. Cette banalisation de l'acte d'être filmé n'est pas totale : les sujets n'ignorent pas la présence du ou de la cinéaste et réagissent à son geste, mais cette acculturation à la présence de la caméra semble permettre une distance toujours plus réduite vis-à-vis des sujets. 

        On peut observer, parmi cette nouvelle génération de cinéastes des années 1990-2000, l'apparition d'un geste aujourd'hui complètement banalisé : le retournement de la caméra vers soi. Dans les vidéos, l'usage de commentaire audio servant à documenter les éléments à l'image se retrouve fréquemment, notamment par exemple dans le cadre de voyages : dates de la prise de vue, lieux visités, impressions ressenties, etc. La nouveauté est que les filmeur·euse·s, en figurant à l'image en train de délivrer ces commentaires, caméscope au bout du bras, braqué vers soi. ce type d'autoportrait témoigne de l'assimilation et de la maîtrise des codes de la présentation de soi, qui se traduit par une grande décontraction à l'image. Cette personnalisation de l'adresse s'inscrit également pleinement dans les dispositifs d'interactivité et de communication du film de famille, tout en le transformant. Plus besoin que la caméra change de mains pour que la personne qui filme surgisse dans le champ, ce qui lui permet une certaine liberté d'action et génère une présence nouvelle à l'image. De plus, s'auto-filmer rend l'acte de prise de vue apparent : l'image qui révèle ses conditions de production apparaît alors comme plus brute, plus authentique et induit un fort sens de proximité entre les regardeur·euse·s, le ou la cinéaste et le réel enregistré. 

        Chercher à décrire la culture visuelle des années 1970-2000 et ses caractéristiques permet de saisir comment les changement technologiques participent à transformer les pratiques de l'image, notamment avec l'apparition des supports magnétiques, mais aussi l'introduction de la captation sonore. Pour autant, il apparaît que ces bouleversements se font souvent dans le prolongement d'usages existants depuis l'origine du cinéma amateur, notamment la dimension collaborative de cette pratique de loisir, ou la fonction communicationnelle des films de famille. Les innovations techniques, mais aussi la diversification des usager·e·s du cinéma amateur - d'un point de vue social, ainsi que générationnel -, sont des facteurs d'évolution des codes de la culture visuelle. Dans les années 2000 s'imposent les premiers formats numériques, qui signent la disparition totale des formats analogiques, dans toutes leurs diversités. La vidéo amateur ne disparaît pas pour autant : le numérique et plus particulièrement le couplage des technologies de prise de vue avec les outils de communication - en premier lieu les smartphones - représente une étape décisive de la massification des usages de l'image. En pensant la continuité des pratiques à l'épreuve des ruptures technologiques, on peut apercevoir dans ces films des années 1970-2000 des attitudes filmiques qui perdurent aujourd'hui dans nos usages quotidiens de l'image.


        [i] Vignaux Valérie et Turquety Benoît (eds.), L'amateur en cinéma, un autre paradigme : histoire, esthétique, marges et institutions : [colloque international, Tours - Centre d'études supérieures de la Renaissance de l'Université François Rabelais, 23-24 juin 2015], Paris, Association française de recherche sur l'histoire du cinéma, 2016, p.71.

        [ii] https://cinememoire.net/les-formats-de-films/le-super-8

        [iii] « En 1973, il faut compter 10 000 francs pour l'achat d'une caméra vidéo ½ pouce Sony (et son magnétoscope portatif), alors que les caméras Super 8 se vendent dès 150 francs ». https://upopi.ciclic.fr/apprendre/l-histoire-des-images/les-images-amateurs-de-lumiere-youtube

        [iv] Roger Odin, Le film de famille : usage privé, usage public, Paris, Méridiens Klincksieck, 1995, 235 p.

      • Publié le 02/12/2025

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